C’est l’enseignement, et les mesures d’économies prévues dans le qualifiant, qui auront mobilisé les débats lors de l’adoption du budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pas de retour en arrière malgré la forte mobilisation du secteur, mais une inflexion concernant les 7es années secondaires.

Nous sommes conscients que certaines mesures prévues dans l’enseignement qualifiant peuvent interpeller. » Après plusieurs semaines de consistance sur les économies annoncées dans l’enseignement, formalisées à travers l’épure 2025, la première ouverture vient de Mathilde Vandorpe, cheffe du groupe Les Engagés au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et elle-même ancienne enseignante. « Les aménagements prévus pour les 7es secondaires doivent encore être clarifiés. » En réaffirmant le « sens » qu’un élève déjà détenteur d’un CESS (certificat d’enseignement secondaire supérieur) se dirige vers l’enseignement pour adulte (ex-promotion sociale), la députée pose toutefois une modalité : « Les conditions et la certification doivent être identiques. » Or, dit-elle, ce ne sont pas toujours les informations qui remontent du terrain.

Ce qui n’a pas empêché la majorité MR-Engagés en FWB d’approuver en état le tant attendu budget 2025, et le décret-programme qu’il met en œuvre. Les 50 députés de centre-droit ont, sans surprise, voté favorablement les diverses dispositions, à l’inverse des députés de l’opposition (PS-Ecolo-PTB-Défi).

Sur les 16 milliards de dépenses prévues (pour 14 de recettes), neuf sont attribués à l’enseignement francophone. « La situation est difficile », a entamé Elisabeth Degryse, ministre-présidente, également en charge du Budget, lors de son exposé. « Notre situation budgétaire n’est pas, à ce stade, comparable à celle de la Grèce il y a 15 ans. C’est pourquoi notre objectif de législature se limite à stabiliser le déficit et que nous présentons un budget en déficit de près de 1,3 milliard, soit environ 300 millions d’euros de plus que le budget initial 2024. »

100M

100 millions d’euros d’économie

Les nouvelles dispositions, qui entreront en vigueur le 1er janvier, pourraient exclure à la rentrée scolaire prochaine quelque 2.000 élèves du secondaire. Il s’agit des élèves majeurs ayant décroché une année scolaire et qui auraient voulu se réinscrire en 3e ou 4e secondaire, et des élèves disposant déjà d’un CESS qui envisageaient d’entamer une 7e année secondaire pour se spécialiser. Ces jeunes seront désormais invités à s’orienter vers l’enseignement pour adulte, l’enseignement supérieur ou la formation professionnelle.

Pour le groupe MR, porté par Diana Nikolic, « personne ne peut contester la nécessité de réformer l’enseignement qualifiant, trop souvent considéré comme une filière de relégation, parfois peu adapté aux réalités et nécessités du monde du travail en entreprise ». Ce que semble contredire un rapport du Forem (lire par ailleurs).

« Absence de dialogue »

Sur le banc de l’opposition, les critiques n’ont pas manqué. « Alors que vous aviez placé votre législature sous le sceau de la concertation, l’ensemble des acteurs de l’enseignement dénoncent l’absence de dialogue et vos choix politiques », a martelé Martin Casier, député PS. Fabien Maingain, seul député Défi, a fustigé la méthode : « On coupe d’abord, on verra après pour la mise en œuvre. » Le groupe Ecolo, par la voix de Bénédicte Linard, a dénoncé des « économies aveugles » dans un enseignement « qui accueille massivement des élèves qui font les frais de notre système scolaire hiérarchisé est inéquitable ».

En réaction, la ministre-présidente a reconnu « que l’obligation de remettre un budget 2025 dans un délai très court, nous a contraint à travailler dans l’urgence, ce qui n’a pas rendu possible la co-construction appelée de ses vœux par Monsieur Maingain ». Elle a également annoncé que la ministre de l’Education, Valérie Glatigny (MR), s’était engagée « à finaliser durant le premier trimestre 2025 un cadastre précis des alternatives existantes, ou susceptibles d’être créées d’ici septembre prochain, pour chaque option qualifiante impactée. S’il s’avérait que, pour l’une ou l’autre situation bien spécifique, il n’existait aucune alternative réaliste à court terme, le gouvernement définirait, lors de l’ajustement budgétaire, les mesures à prendre avant la rentrée scolaire afin que tous les jeunes puissent poursuivre leur parcours de formation. » Les fédérations du pouvoir organisateur ont indiqué au Soir qu’une rencontre était prévue avec le cabinet ministériel la semaine prochaine. Ce que le chef de file des socialistes s’est empressé de souligner. « Ça veut dire que la mobilisation paye et qu’il ne faudra pas arrêter, mais ça signifie aussi laisser des jeunes et leurs enseignants dans le flou jusqu’au mois de juillet. »

Malgré tout, le budget doit composer avec 100 millions d’euros d’économie, dont 13,6 dans l’enseignement secondaire qualifiant (technique et professionnelle). Parmi les mesures approuvées en plénière, on peut citer la réduction de 3 % de la norme d’encadrement dans l’enseignement qualifiant (norme qui est plus favorable que dans l’enseignement général), ce qui pourrait in fine augmenter le nombre d’élèves par classe, ou encore la non-prise en compte dans le financement des écoles de certains élèves.

Politiques nouvelles

A côté des économies, le budget prévoit des politiques nouvelles, notamment en enseignement. Ainsi, pour lutter contre la pénurie d’enseignants, les travailleurs d’un autre secteur d’activité pourront valoriser jusqu’à sept années d’ancienneté s’ils viennent occuper une fonction en pénurie. Le dispositif des pools d’enseignants remplaçants sera étendu aux provinces de Namur et du Brabant wallon, « deux zones supplémentaires, sélectionnées sur base des indices de pénurie », a indiqué Elisabeth Degryse. Deux millions d’euros sont dégagés pour « accompagner les majeurs ayant décroché durant plus d’un an et les jeunes adultes de 7e année vers les alternatives au sein d’autres opérateurs de formation ».

A voir si ces avancées calmeront les ardeurs de la rue. En parallèle des débats, les enseignants, et même les élèves de l’enseignement qualifiant se mobilisaient à travers la Wallonie et Bruxelles pour dénoncer les économies prévues. A Boussu, les enseignants des Aumôniers du Travail ont réuni leurs élèves afin de leur expliquer les raisons de la multiplication des grèves et les conséquences des mesures décidées par le gouvernement. A Liège, les enseignants ont demandé aux syndicats d’agir plus rapidement, rapportent aussi nos confrères de L’Avenir. Le secteur de l’enseignement a déjà donné rendez-vous au gouvernement pour d’autres mobilisations.

 Par Charlotte Hutin – Journaliste au pôle Société