Valérie Glatigny (MR), ministre de l’Education en Fédération Wallonie-Bruxelles, était l’invitée de l’émission Jeudi en Prime. Les différentes réformes qu’elle a lancées secouent le monde de l’enseignement, qu’il s’agisse des mesures qui concernent l’enseignement qualifiant ou de celles qui prévoient la fin des nominations des enseignants, à terme. Ces mesures sont motivées par les économies qu’il convient de réaliser alors que la situation budgétaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles est préoccupante. Mercredi, le budget, incluant les économies prévues, a été adopté par le Parlement de la Fédération.

“Personne n’interdit à un jeune de se former”

Lundi, des directeurs et directrices de l’enseignement libre manifestaient dans le bâtiment qui abrite les bureaux de la ministre Glatigny. Ils dénonçaient les économies faites, notamment dans l’enseignement qualifiant. La ministre dit comprendre “les frustrations et les inquiétudes“. “Cela ne fait plaisir à personne de devoir faire des économies“, dit-elle, avant d’ajouter que “notre situation budgétaire n’est pas bonne“.

Comme elle a déjà eu l’occasion de le faire, la ministre épingle “la multitude des petites options dans le qualifiant“. Soit, selon ses chiffres, 5400 options dont “la moitié est fréquentée par moins de dix élèves“. Et, ajoute la ministre, “parmi ces 2700 options, la moitié, 1300 plus ou moins, il y a une offre qui existe à moins de dix kilomètres“. La ministre entend donc faire des économies en ciblant les “redondances d’offres” pour “préserver les missions essentielles de l’école”.

Une des craintes des syndicats et des écoles concernées par les réformes est de voir disparaître les 7es années dispensées dans l’enseignement qualifiant. La réforme de la ministre prévoit en effet qu’un jeune diplômé d’un CESS n’ait plus accès à une 7e année. S’il veut continuer à se former, il devra aller ailleurs.

Il y a déjà une offre de formation qui existe pour des personnes qui ont le CESS“, argumente Valérie Glatigny. Elle donne ainsi l’exemple d’un élève ayant son CESS après avoir étudié l’hôtellerie dans l’enseignement qualifiant. Cet élève pourrait se diriger vers l’enseignement supérieur et une haute école pour étudier le tourisme. Il pourrait aussi opter pour une formation en œnologie dans l’enseignement de promotion sociale, appelé désormais “enseignement pour adultes“.

On ne souhaite évidemment pas casser des parcours de formation, mais simplement diriger un jeune qui a en général 19-20 ans vers une offre qui existe déjà et qui est déjà financée“, assure la ministre. “Personne n’interdit à un jeune de se former“, ajoute la ministre, mais avec un CESS en poche, ce ne sera plus possible en 7e secondaire. La ministre mise notamment sur l’enseignement de promotion sociale dans lequel il y a, selon elle, “des pépites“. Elle met en avant les “certifications qui sont faites avec les employeurs“. “Et donc vous avez une mise à l’emploi“, poursuit-elle.

La ministre explique aussi qu’un cadastre de l’offre d’enseignement existante est en cours de réalisation.

Moins d’options = moins d’heures pour certains professeurs ?

La fermeture d’options dans l’enseignement qualifiant aura-t-elle un impact pour les professeurs qui y enseignent ? “On travaille aussi sur la réaffectation des professeurs“, explique Valérie Glatigny, pour qui les chiffres de pertes d’emplois annoncés du côté des enseignants sont “évidemment faux“. “C’est exact qu’il se peut qu’il y ait des professeurs qui perdent quelques heures de cours“, reconnaît la ministre. “Mais on travaille sur la réaffectation. Par exemple, ils peuvent faire une autre formation dans l’école“, continue la ministre.

Pour le professeur qui perdrait des heures de cours après la fermeture d’options, l’idée est “qu’il puisse travailler dans son établissement“, explique la ministre, mais “aussi dans un établissement voisin qui appartiendrait à un autre réseau“. En effet, pour la ministre de l’Enseignement, “permettre la mobilité entre réseaux“, “c’est un point clé“. La ministre compte sur cette mobilité interréseaux. “Elle fait partie de la solution“, estime Valérie Glatigny.

Il est aussi question de mettre en place des “certifications”, “des microcertifications” à destination des enseignants qui perdraient des heures “pour qu’ils puissent faire autre chose“, explique la ministre.

Concertation avec les enseignants ?

Dans la déclaration de politique générale du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il est écrit qu'”il faut considérer les directions comme des partenaires des réformes réfléchies et anticipées et pas comme des simples exécutants“. Faut-il donc attendre de la concertation avec les directions d’école autour des réformes prévues ? La ministre rappelle l’objectif de réduire le financement pour le qualifiant de 3%. “On souhaite inciter les directions à ne pas ouvrir de nouvelles filières ou on n’encourage pas les filières avec de très petites options“, poursuit-elle. “Mais, évidemment, on souhaite le faire avec les directions d’école“, ajoute-t-elle.

La concertation, c’est très important pour moi“, poursuit la ministre avant de préciser que “ça ne veut pas dire qu’on sera d’accord sur tout“.

La ministre changera-t-elle sa réforme ? “Il y a eu un vote qui a eu lieu au Parlement par rapport au décret programme“, répond la ministre.

Fin des nominations et CDI pour les nouveaux enseignants

L’autre point qui fâche le monde de l’enseignement, c’est la fin annoncée des nominations pour les futurs enseignants. A l’avenir, les enseignants qui entreront en fonction recevront un CDI. Comment cela s’organisera-t-il ? Aujourd’hui, un jeune enseignant passe souvent d’intérim en intérim, d’une école à l’autre. Que changera le CDI ? “L’idée, c’est d’ancrer plus rapidement un jeune enseignant dans l’enseignement en lui offrant une perspective de contrat à durée indéterminée, avec aussi une pension et également des assouplissements en début et en fin de parcours“, explique Valérie Glatigny. Là aussi, pour remplir l’horaire des jeunes profs, l’idée de “la mobilité interréseaux” est mise en avant. “Actuellement, un mécanisme creuse la pénurie, c’est le fait que, quand vous enseignez dans un réseau, vous n’avez pas envie d’aller enseigner dans un autre réseau, alors que l’école d’à côté a peut-être des heures à vous proposer“, explique la ministre.

Le CDI “enseignement” devrait aussi être assorti de conditions salariales et inclure un deuxième pilier de pension, sachant que les enseignants jadis formés en trois ans le seront désormais en quatre. “L’idée, c’est d’avoir une revalorisation barémique et d’avoir aussi un assouplissement en début et fin de carrière et d’avoir aussi une carrière plus dynamique et moins plane“, explique la ministre. Cette dernière propose “une valorisation en cours de carrière si on accepte une formation particulière, si on accepte une tâche particulière, par exemple un travail sur le harcèlement dans l’école, un travail sur le décrochage scolaire“.

Combien la suppression des nominations et l’instauration de ce CDI coûteront-elles à la Fédération Wallonie-Bruxelles ? “On est en train de faire les calculs“, répond la ministre, mettant en avant les effets à long terme d’une mesure telle que le deuxième pilier de pension.

Lutter contre l’extrémisme à l’école

A côté des réformes qui fâchent, la ministre Glatigny lance aussi un chantier pour lutter contre les extrémismes au sein de l’école. Un numéro d’écoute existe où les enseignants peuvent appeler pour signaler des cas. “On a vu une augmentation des appels“, explique la ministre.

Un “baromètre du respect” a été lancé, “avec une question portant spécifiquement sur les intimidations envers les enseignants” d’où il ressort que des professeurs s’autocensurent, par exemple en n’osant pas aborder des sujets tels que le conflit israélo-palestinien. “Sept répondants sur dix disaient qu’ils se sont déjà autocensurés“, explique la ministre. “Il faut regarder la réalité en face et pouvoir montrer aux enseignants qu’ils sont soutenus, qu’il y a des réponses qui sont possibles“, ajoute la ministre. Elle rappelle que des équipes mobiles d’accompagnement “peuvent intervenir dans les écoles pour donner un conseil” ou “aller jusqu’à une protection de l’enseignant qui serait éventuellement menacé“.

Bref, pas de conservatisme dans les écoles. “La norme, c’est le respect du principe de neutralité. Le prosélytisme religieux et politique n’a pas sa place à l’école“, précise la ministre. Et au passage, alors que certaines écoles ne veulent pas des animations prévues dans le cadre de l’Evras (Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle), la ministre rappelle que “ce n’est pas une option, cela fait partie des choses qui doivent être respectées“. “Comme pour d’autres choses qui ne seraient pas enseignées, il y a des amendes qui sont prévues“, conclut la ministre.