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C’est la nouvelle ministre de l’Enseignement obligatoire, mais aussi la vice-ministre présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles : Valérie Glatigny (MR), ancienne ministre de l’Enseignement supérieur. Elle a rencontré ce jeudi les acteurs de terrain. En jeu, une réforme et une déclaration qui feront l’objet de débats aujourd’hui au Parlement.
“Ce qu’on a dit, c’est qu’il fallait lire l’entièreté de la déclaration de politique communautaire (DPC), parce qu’il y a énormément de choses intéressantes pour les enseignants. Pour la libérale, il faut augmenter la qualité des apprentissages. Trop de jeunes sortent sans les compétences de base, donc il faut travailler sur la qualité et s’assurer qu’il y ait un enseignant dans la classe. On a un exode de jeunes enseignants beaucoup trop important. Et donc pour travailler sur cette question de la pénurie d’enseignants et de la qualité, il faut pouvoir attirer davantage de jeunes et surtout les garder dans le métier.”
Or, la DPC n’a pas directement reçu un bon accueil par les acteurs concernés. “Il est clair que le mot grève a été prononcé, mais pour être aussitôt réfuté, admet la ministre. Je suis très heureuse que l’on puisse contrer cette image de l’enseignant qui revient de vacances et se met en grève. Ce n’est pas du tout l’objectif. Le but, c’est de créer de la concertation. J’ai bien entendu et je trouve tout à fait légitimes les craintes qui ont été exprimées par rapport à l’un ou l’autre point de la DPC. Mais j’ai entendu aussi qu’il y avait beaucoup de points qui pourraient faire l’objet d’un consensus.”
Elle se réfère notamment au travail sur les barèmes, à celui sur la reconnaissance de l’expérience utile pour quelqu’un qui vient du monde extérieur à l’enseignement ou encore le fait que les stagiaires en dernière année puissent être davantage dans les écoles. Raison pour laquelle la libérale insiste sur la mise en place d’organes de concertation.
Le changement des statuts pour les futurs enseignants
Un autre point de bascule de la déclaration de politique communautaire est la question du statut des profs, avec l’idée de leur donner un contrat à durée indéterminée (CDI) et plus via un statut de fonctionnaire.
Il n’est pas question de leur faire perdre leurs droits
“Je crois qu’il y a une véritable demande du côté des jeunes enseignants de pouvoir avoir de la stabilité plutôt que d’enchaîner des contrats de trois mois, un an, deux mois, etc. Et puis peut-être que ce qui est préférable pour de jeunes enseignants, c’est une perspective de CDI plutôt qu’une nomination plusieurs années plus tard. Et donc c’est sur ça qu’on va travailler“, enchaîne Valérie Glatigny.
Face aux inquiétudes des personnes concernées, elle se veut rassurante : “Il n’est pas question de leur faire perdre leurs droits. Les personnes nommées restent nommées. Simplement, il y a une réflexion qui va être entamée avec tous les partenaires pour stabiliser les jeunes enseignants. Moi, ce qui m’obsède, c’est la pénurie et ces jeunes qui, dès l’entrée dans le métier, le quittent. Il y a quelque chose à réussir là, que ce soit via le statut ou via des mentorats“. Pour elle, l’enjeu est d’éviter que les jeunes enseignants se sentent seuls et en manque d’outils pour bien faire leur travail.
En plus de cela, le secteur s’inquiète également du rallongement du cursus pour les futurs profs – qui passe à quatre ans au lieu de trois. Comprenez : en 2026, il y aura une année sans nouveaux professeurs. Là aussi, Valérie Glatigny assure que les barèmes seront revus.
Et d’ajouter que d’autres mesures seront mises en place pour éviter les pénuries : alléger la charge administrative des enseignants, leur donner plus d’autonomie, de confiance et garantir que leur autorité soit respectée. Ce sont des “quick wins”, à savoir des “gains rapides en termes de soulagement de la charge administrative“, sur lesquels la ministre promet de travailler dès la rentrée.
Quel avenir pour le Pacte d’excellence ?
Un autre changement en vue concerne le Pacte pour un Enseignement d’excellence. La troisième année de secondaire sera un tronc commun “adapté”. Cela veut dire que le tronc commun s’arrêtera probablement à la fin de la deuxième. Les élèves pourraient donc être redirigés plus rapidement vers des filières qualifiantes.
A ce niveau, la ministre entend répondre aux inquiétudes du terrain : “Cette idée qu’on laisse progresser des jeunes dans le général alors qu’ils ont des difficultés d’apprentissage ou un désintérêt ou une démotivation, ça crée du décrochage scolaire.”
Pour Valérie Glatigny, l’enjeu est aussi de revaloriser les filières qualifiantes : “C’est un travail gigantesque de donner envie à ces jeunes de faire autre chose. Il s’agit d’avoir une série d’activités orientantes en troisième, qui sera une année charnière où on leur propose autre chose pour pouvoir les garder connectés sur des apprentissages et garder intact le plaisir d’apprendre.“
Une rupture “assumée”
Les changements sont donc de taille. Et la nouvelle ministre les assume : “Je pense qu’il y a quand même une rupture sur certains points. Des tabous sont levés, notamment sur la troisième année, mais aussi sur l’évaluation. Moi, je ne considère pas qu’une évaluation est une violence éducative. Il est très important de pouvoir détecter le plus tôt possible les difficultés d’apprentissage et une absence de prérequis. C’est un service qu’on rend à un enfant de pouvoir détecter le plus rapidement possible des difficultés et lui proposer un accompagnement adéquat.”
Il y a encore un point important dans les réformes annoncées dans la DPC : la question des réseaux. Sans rentrer dans les détails, une partie des réseaux officiels vont être fusionnés. La volonté est celle d’équilibrer le financement du libre et de l’officiel, avec, pour slogan “un enfant = un enfant”. Alors que les finances de la Fédération sont dans un état très fragile, comment la ministre compte-t-elle mener à bien ce projet ?
Invoquant des gains d’efficacité, Valérie Glatigny prône un “pôle officiel fort” et le besoin “d’amener davantage d’équité“, permettant également aux enseignants de passer d’un réseau à l’autre sans perdre leurs droits.
Quant à l’enjeu budgétaire, sachant que l’enseignement compte pour quasiment 80% du budget de la FWB, la ministre ne dément pas l’objectif de son gouvernement d’atterrir “sur un équilibre budgétaire à un horizon plus ou moins long“. Sans surprise, pour elle, un gain considérable réside dans l’optimisation des ressources entreprises dans cette nouvelle législature : la réduction du nombre de ministres, la diminution de 10% du financement des cabinets, une attention accrue à vérifier si les subventions facultatives nécessitent d’être pérennisés, etc.
“Notre enseignement est plutôt bien financé quand on regarde les autres pays de l’OCDE et pourtant les résultats ne sont pas à la hauteur. Donc je pense qu’on peut faire mieux avec peut-être les mêmes montants, voire moins si on arrive à dégager des moyens“, déclare la libérale, en promettant d’aborder la question “sans tabou“, tout en évitant de toucher “aux principes de base.“
Quel avenir pour le décret Inscriptions ?
Pour finir, un dernier point, cette fois non abordé dans la déclaration de politique communautaire : le décret Inscriptions.
Bien que le point ne soit pas évoqué explicitement, Valérie Glatigny estime qu’il faudra “travailler sur la qualité de l’encadrement dans certaines écoles, en particulier dans le nord de Bruxelles“, avec des établissements “qui doivent davantage être soutenus et valorisés pour être attractifs aux yeux des parents“. Quant aux changements concrets à apporter au décret, elle se veut plus réservée, affirmant que le gouvernement “verra ce qu’il est possible de faire, sans aucun tabou“.
Les réformes feront l’objet de débats aujourd’hui au Parlement.