Pousser les témoins de harcèlement scolaire à intervenir pour y mettre fin, voilà l’ambition d’un groupe d’élèves du Lycée Mater Dei. Entouré de ses camarades, Simeon Stoyanov, un élève de rhéto âgé de 19 ans, appelle à ne plus rester passifs face à ce fléau dans un court métrage à l’issue dramatique.

Le silence, puis des pas qui résonnent à travers un long couloir. Tom, un élève, s’approche d’un groupe de camarades quand, soudain, tout s’accélère. L’adolescent se fait violemment pousser au sol et insulter. Bien qu’ici empruntée à la fiction d’un court métrage, cette réalité est vécue par de nombreux jeunes, victimes de harcèlement au quotidien. Même s’il n’existe pas de chiffres exacts, on estime habituellement qu’un élève sur trois entre la 6e primaire et la 3e secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles y est confronté. Un fléau auquel a choisi de s’attaquer un groupe d’élèves du Lycée Mater Dei de Woluwe-Saint-Pierre, en produisant une vidéo qui dénonce l’inaction de certains acteurs du monde scolaire face au harcèlement.

À l’origine de ce projet, on retrouve Simeon Stoyanov, un élève de rhéto âgé de 19 ans, qui réalise le court métrage dans le cadre de son travail de fin d’études. “Je suis passionné par la création de vidéos, mais ce qui me motive le plus, c’est de pouvoir utiliser mes compétences pour sensibiliser les jeunes confrontés à de la violence et au harcèlement, explique-t-il. J’ai toujours été choqué par les tueries de masse dans des écoles aux États-Unis, dont un grand nombre est lié au harcèlement scolaire et à la passivité de beaucoup de professeurs. Même si, ici en Europe, on n’est pas vraiment confrontés à ce genre d’incidents, des jeunes en viennent tout de même à se suicider.”

Convaincu de l’urgence de la sensibilisation de tous les acteurs de l’enseignement contre le harcèlement, Simeon s’est alors lancé dans la réalisation de ce court métrage intitulé “Wake Up !”, qu’il décrit comme un message envers ceux qui ferment les yeux sur cette problématique. “Le but est de leur dire : ‘Regardez ce qui se passe, arrêtez de prétendre que vous n’avez rien vu’.”

Plusieurs mois de travail plus tard, en résulte une vidéo d’une dizaine de minutes retraçant l’histoire de Tom, un élève victime de harcèlement scolaire. “Ses camarades et les éducateurs sont témoins de la violence qu’il subit, mais ils choisissent de ne pas réagir, de ne pas y mettre fin”, explique Simeon. C’est précisément là que se trouve le cœur du problème, selon le jeune homme. “À travers ce court métrage, mon but est de sensibiliser les jeunes, de les pousser à réagir, mais aussi à ce que les professeurs accordent plus d’importance à cette problématique.”

Pour la réalisation de son projet, Simeon s’est progressivement entouré de camarades d’âges, d’années et d’horizons différents. Diane Lazzarotto, une amie, l’a rejoint pour l’aider à gérer les équipes présentes sur le tournage, tandis qu’une autre camarade, Elitsa Gospodinova, a participé à l’écriture du scénario et à la prise de son. De son côté, Anne du Bois d’Enghien, également élève en rhéto, souligne avec fierté que deux de ses compositions musicales ont été utilisées pour le court métrage. “Cela m’a aussi permis de rencontrer tous les autres élèves qui participent au projet et que je ne connaissais pas avant”, confie l’étudiante.

“Un phénomène qui impacte la vie de tout le lycée”

Si le jeune Akshat Mehrohra a hérité du rôle du protagoniste, Tom, et son camarade Arsenii Buukovskii de celui de Michael, son meilleur ami, c’est à Dimitris Kourkoulas, élève de 5e année, qu’a été confiée l’interprétation de Max, le harceleur. “Je ne vais pas mentir, ce n’est pas le rôle dont je rêvais. Il n’a pas été facile de le jouer. Heureusement, je suis très proche de la personne qui a incarné la victime. Mais j’ai accepté parce que le message véhiculé par le court métrage est vraiment important. Le harcèlement est un phénomène qui passe souvent inaperçu alors qu’il impacte la vie de tout le lycée, des élèves jusqu’aux professeurs”, insiste Dimitris.

Un avis que partage Kelaya Mbaya, étudiant en rhéto à qui revient le rôle de l’un des amis du harceleur. “Dans la réalité, les ‘suiveurs’ comme celui que j’interprète ont un rôle très important parce qu’ils minimisent les effets du harcèlement et n’agissent pas pour l’arrêter. Ce sont surtout eux qui devraient être touchés par le film”, soutient-il. Les élèves ont également pu compter sur la participation d’une professeure de néerlandais et d’anglais, d’une éducatrice et d’un éducateur.

La volonté de ce groupe d’étudiants d’interpeller d’autres jeunes sur le harcèlement – “passif” ou “actif” – est arrivée jusqu’à Benoît Cornil, le directeur du lycée, qui a accepté d’endosser le rôle de professeur-guide du travail de Simeon. “J’ai une fascination et une admiration pour des élèves qui, à leur âge, arrivent à sortir des projets de bonne qualité en parallèle de leur scolarité. Je trouve ça impressionnant d’investir autant de temps et d’énergie là-dedans”, confie-t-il avec fierté. “Il est aussi remarquable que des jeunes se bougent pour d’autres jeunes afin de parler de harcèlement scolaire, surtout dans une époque où l’on a tendance à dire que tous les adolescents sont très individualistes. C’est bien la preuve qu’il y a encore des adolescents qui pensent aux autres, qui se mettent en mouvement pour essayer de faire changer les choses”, conclut-il.

Ce samedi 24 mai, le court métrage “Wake Up !” fera l’objet d’une projection au Cinema Stockel dont l’intégralité des revenus sera reversée à l’ASBL Théracommuni, qui lutte contre le harcèlement dans les écoles.

Caroline Vandenabeele