Le système des nominations produit une “caste” qui pénalise et alimente l’insécurité de ceux qui n’en bénéficient pas. Nous, enseignants non nommés, demandons surtout la sécurité, la transparence et l’équité.
Une opinion de Madame Camille (1), institutrice primaire dans une école de la Région Bruxelloise
En effet, pour pouvoir prétendre à une nomination à titre définitif, d’une part il faut avoir acquis une ancienneté au sein du pouvoir organisateur (PO) dont dépend l’école et, d’autre part, il faut que ce dernier dispose d’un emploi vacant. Les conditions d’accès sont strictes et complexes. “Il faut compter 600 jours d’ancienneté de service dans l’enseignement subventionné ou organisé par la Communauté française répartis sur au moins 3 années scolaires et 360 jours au sein du pouvoir organisateur dont 240 jours dans la fonction postulée.” On se retrouve alors sur des listes à attendre le potentiel départ à la retraite d’un enseignant nommé pour qu’une place se libère.
Dès lors, l’enseignant non nommé est “coincé” dans son PO. En effet, s’il le quitte, il doit recommencer ailleurs le comptage de ses jours. Et donc repartir à zéro. On est face à une grande complexité administrative. De ce fait, les nominations engendrent un frein à la mobilité mais aussi des inégalités fortes entre les enseignants nommés à vie et ceux qui ne le sont pas. La “caste” des enseignants nommés a toujours la préséance sur les emplois vacants par rapport aux enseignants non nommés qui sont dans une insécurité au début de chaque année quant au renouvellement de leur contrat. Certains enseignants n’ont toujours pas obtenu ce “graal” après 15 ans de carrière dans leur PO. Mais peut-on vraiment parler de carrière ? En effet, avec un tel système, il est difficile de se projeter dans l’avenir. Achat d’un bien ou création d’une famille sont souvent sujets à beaucoup d’inquiétude sans visibilité sur l’avenir.
Un système inéquitable défendu par les syndicats
Or, les syndicats défendent bec et ongles ce système inéquitable des nominations. Des rumeurs de grève pour le défendre commencent à poindre. J’ai entendu certains représentants des syndicats dirent que l’on touche à la fonction publique. Ils estiment que, par la mise en place des CDI, on porte atteinte à un symbole, à la récompense des enseignants. Mais, nous ne vivons pas de symboles ! Que veut dire récompense quand après 5, 10 voire 15 ans on n’est toujours pas nommé ? Aujourd’hui, la réalité est bien différente entre les enseignants. Nous, enseignants non nommés, nous demandons surtout la sécurité, la transparence et l’équité ! Ce système est terriblement pénalisant pour ceux qui n’en bénéficient pas. Il est profondément inique et inéquitable. Or, pour nous les instituteurs et institutrices non nommés, un CDI représente enfin une sécurité d’emploi. Il nous offre aussi la possibilité d’une plus grande mobilité entre les écoles de PO différents, de lieux différents mais aussi entre réseaux ou types d’enseignement.
Certains contestent également le système des évaluations des professeurs. Mais n’est-ce pas normal que, comme dans tout contrat de travail, on soit évalué ? C’est aussi une façon d’avoir un feedback sur notre manière d’enseigner et de s’améliorer si besoin.
Un CDI nous permet aussi de présenter un gage de sécurité lorsque nous postulons pour un emprunt en vue de l’achat d’un bien ou tout simplement pour faire des projets d’avenir. Cela nous inscrit dans la même ligne que la majorité des employés sous CDI de ce pays. Nous bénéficions alors des mêmes avantages, de la même transparence et d’un équilibre entre les fonctions au sein d’un même établissement. D’un point de vue administratif, le CDI est moins complexe et plus transparent que la nomination. Bien sûr, la nomination à vie protège davantage les enseignants nommés. Mais est-ce un système vraiment sain ? Les jeunes enseignants, les parents d’élèves et les élèves eux-mêmes sont-ils vraiment rassurés quand on leur dit que leur instituteur ou institutrice est nommé(e) à vie ?
Certains contestent également le système des évaluations des professeurs. Il est vrai que, dans le cadre d’un CDI, et non d’une nomination à vie, un enseignant pourrait être licencié. Mais n’est-ce pas normal que, comme dans tout contrat de travail, on soit évalué ? C’est aussi une façon d’avoir un feedback sur notre manière d’enseigner et de s’améliorer si besoin. Dans tous les secteurs d’activité qui offrent des CDI, il existe un risque de se faire licencier. Pourquoi la fonction publique devrait-elle faire office d’exception ? Bien sûr, en n’étant pas nommé, on court ce risque mais on bénéficie d’avantages en termes de stabilité en début de carrière, de transparence et d’équité. Beaucoup de jeunes enseignants quittent le métier rapidement après leur entrée. Ce n’est pas en défendant les droits acquis des professeurs nommés que l’on freinera ce mouvement. Pour assurer la relève, il faut répondre aux demandes des jeunes de notre génération. Nous aspirons à plus de stabilité en début de carrière et aussi à davantage de possibilités de mobilité en cas de déménagement, par exemple, mais aussi pour pouvoir éventuellement varier les expériences dans des établissements de types différents. Cela ne peut qu’enrichir notre parcours.
Les jeunes pas correctement représentés ni entendus
Les syndicats donnent l’image de ne défendre qu’une partie des enseignants et nous, les jeunes, avons l’impression de ne pas être correctement représentés ni entendus. Sous couvert de nous défendre, ce sont surtout les droits acquis par les professeurs nommés qui semblent défendus. On entend rarement notre voix dans les médias et, souvent, d’autres parlent à notre place et nous imputent des besoins et désirs qui ne sont pas les nôtres. Notre réalité quotidienne est souvent difficile à vivre et, sans le soutien de nos proches ou de certains collègues, c’est vrai qu’il est parfois dur de tenir le coup. Cependant, je suis fière d’être institutrice. J’aime mon métier. Je suis très attachée aux enfants dont j’ai la charge année après année. Et je remercie nos dirigeants de prendre enfin en compte les préoccupations de la jeune génération d’enseignants dont je fais partie !
⇒ (1) Prénom d’emprunt, l’identité de l’auteure est connue de la rédaction.