Plusieurs enseignants se retrouvent à expliquer la signification de mots qu’ils jugent acquis par leurs élèves.
En général on dit qu’un enfant de 6 ans maîtrise environ 2 000 mots pour atteindre les 6 000 mots en fin de primaire. Nos confrères de la DH constatent que, sur le terrain, des professeurs notent une certaine carence de vocabulaire chez les élèves.
“Depuis des années en première primaire, je pratique ‘le mot du jour’. Cette année, je ressens un décalage. Les enfants peinent à expliquer le mot proposé”, constate Céline qui enseigne depuis 22 ans. Une autre confirme “des lacunes en vocabulaire” auprès des élèves de primaire. “Les enfants ont un problème de vocabulaire et cela se remarque au niveau de la compréhension. Il y a un recul depuis quelques années. J’ai des enfants de 6e primaire qui n’avaient jamais entendu les mots ‘dentelle’ et ‘tonnelle'”, complète Anne, qui aide les élèves après avoir enseigné pendant 45 ans.
Dans les années supérieures, ce n’est pas plus réjouissant. “Quand un élève de 5 ou 6e secondaire me demande ce que signifie ‘marécage’, ‘rocailleux’, ‘lugubre’, ‘astre’ ou encore ‘dialecte’, j’ai envie de pleurer. Les élèves n’ont plus de langage riche, de vocabulaire précis”, confie une enseignante.
Écran et milieu socioculturel
Le manque de vocabulaire touche surtout les enfants issus de milieu socioculturel moins favorisés. “C’est le reflet de l’usage de la langue dans la famille. Il y a une bonne partie d’entre eux pour qui le français n’est pas la langue maternelle”, explique Nadia qui enseigne dans les dernières années du secondaire.
D’autres pointent l’utilisation massive des écrans. “Les parents parlent de moins en moins aux enfants. Ils ne sont plus dans la communication mais placés devant des écrans. On ne raconte plus beaucoup d’histoire aux enfants car on n’a plus le temps or c’est là qu’ils construisent leur langage”, argue Anne. “Les enfants ne sortent pratiquement plus et ne font plus de phrases complètes. À l’école, on leur donne de plus en plus des textes à trous.”
Imputer tout aux écrans est un peu trop facile, estime Nadia. Il faut surtout s’interroger sur l’usage qui en est fait. “La société est plus exposée à l’oral qu’à l’écrit et ce n’est pas le même vocabulaire. Si les écrans deviennent un moyen d’accès à la culture, c’est enrichissant.”
Zhen-Zhen Zveny