LES ÉCOLES FONDAMENTALES EN TENSION
Par Vinciane Rosart, vice-présidente de l’ADEF – réseau WBE; Dominique Paquot, représentant des écoles fondamentales de la FELSI; Steve Jovenau et Dominique Verlinden, coprésidents de l’UDEC – réseau officiel subventionné
Temps de lecture estimé : 5 minutes

Les directeurs d’écoles fondamentales demandent un moratoire et des avancées concrètes concernant leur statut administratif et pécuniaire. Ils adressent cette lettre ouverte au monde politique.
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre-Président,
Mesdames et Messieurs les responsables politiques,
Après les directions de l’enseignement fondamental libre catholique, c’est au tour des directions des écoles non confessionnelles, tous réseaux confondus (communal, WBE, Felsi), représentant environ 60 % des enfants scolarisés dans l’enseignement maternel et primaire en Fédération Wallonie-Bruxelles, de s’adresser à vous, par voie de courrier et de presse.
Depuis le rassemblement historique de décembre 2021 devant le Cabinet de la Place Surlet de Chokier, il est indéniable qu’un processus de dialogue a été engagé avec des représentants des directions et que celui-ci se déroule de manière régulière et dans un climat serein et constructif. La réforme du Pacte pour un Enseignement d’Excellence est un chantier colossal ; Madame la Ministre en maîtrise tous les aspects, fait preuve de persévérance et d’une inaltérable volonté d’aboutir…
Une vague incessante de chantiers
Il n’en demeure pas moins que, sur le terrain de l’Ecole, de nombreuses inquiétudes persistent et que, face à la vague incessante et insupportable de chantiers arrivant tour à tour à leur terme, la tension atteint désormais son paroxysme, voire son point de rupture… Avec, au centre du jeu de quilles, des directrices et des directeurs souvent très isolés et en grande souffrance. La profession connaît en effet, à ce jour, un taux d’abandons et d’absences de longue durée jamais rencontré par le passé.
Les chefs d’établissement sonnent depuis trop longtemps le signal d’alarme… avec la décevante impression d’être entendus… mais pas écoutés ! D’être invités à poser des questions, à relire des avant-projets de décrets, à être témoins de présentations d’outils… sans que leur expertise de terrain ne soit valorisée dans les phases préliminaires de ces réformes. Ils regrettent, comme d’autres ces derniers temps, de n’être consultés qu’en toute fin de processus, que lorsque tout est ficelé, dans une démarche collaborative trop superficielle… comme un prétexte pour, après et ailleurs, prétendre qu’ils ont avalisé ce qui se trame en dehors d’eux.
Un essoufflement généralisé
Après deux années scolaires bousculées par une crise sanitaire sans précédent et gérées avec courage et loyauté, avec le tronc commun, les nouveaux référentiels, les plans de pilotage et contrats d’objectifs, les nouvelles réglementations en matière de gratuité, le parcours d’éducation culturelle et artistique, les dossiers d’accompagnement de l’élève, les pôles territoriaux, l’accompagnement personnalisé, les nouvelles réglementations en matière d’apprentissage des langues modernes, la réforme relative aux maintiens, les nouveaux calendriers scolaires, le projet d’évaluation des enseignants, les projets à venir en matière de climat scolaire…, avec la pénurie qui frappe gravement la profession d’enseignant, avec la gestion d’un quotidien scolaire (et extrascolaire ! les deux allant inévitablement de pair) naturellement très exigeant, parfois avec charge de classe, souvent sans une aide administrative suffisante et/ou de qualité… voilà donc ces femmes et ces hommes de bonne volonté, soucieux de prendre leurs responsabilités au service de l’Ecole et de tous ceux – petits et grands – qui la fréquentent, qui courent depuis trop longtemps comme des poules sans tête et s’essoufflent légitimement. Une fois encore, ils en appellent à davantage de considération et de prise en compte de leurs réalités professionnelles.
Une liste de priorités
Ils observent également un système scolaire qui tend à l’uniformisation des pratiques et des organisations, se transformant peu et peu en un « Super-Pouvoir-Organisateur », empiétant toujours un peu plus sur les libertés organisationnelles et pédagogiques des écoles.
En synthèse, leurs doléances vont aux priorités suivantes :
– Ils réclament, d’abord et avant tout, la restauration d’un climat de confiance, nécessaire au bon équilibre du système éducatif dans son ensemble et à la mise en œuvre des réformes. La confiance symbolise en effet toute la relation à l’Ecole… C’est bien dans la confiance que des parents inscrivent leurs enfants dans une école, dans la confiance que les enfants grandissent et développent efficacement leurs savoirs et leurs compétences, dans la confiance que nos enseignants trouvent à s’exprimer au mieux de leur potentiel, dans la confiance que s’exerce le travail autonome des équipes, dans la confiance qu’est censé se mettre en place le management sous la forme du leadership partagé…
– L’instauration d’un « moratoire » de longue durée, sans pressions inutiles et contrôles formalistes voire menaçants, permettant d’assimiler les réformes, d’accompagner tous les acteurs de l’Ecole dans la voie de pratiques nouvelles et de laisser le temps au temps pour construire durablement et efficacement.
– Le retour sur le terrain, à leurs côtés, des inspecteurs pédagogiques, délégués aux contrats d’objectifs, directeurs de zones, conseillers au soutien et à l’accompagnement, capables à distance d’assimiler chacun des chantiers réformés et d’assurer la formation des équipes.
– L’association de représentant des directeurs aux phases préliminaires de toute nouvelle réforme.
– Des avancées rapides et concrètes en matière de réforme de leur statut administratif et pécuniaire, actuellement non représentatif de leurs responsabilités et réalités quotidiennes.
Madame la Ministre, Monsieur le Ministre-Président, Mesdames et Messieurs les responsables politiques, ces doléances doivent aujourd’hui devenir une priorité pour la Fédération Wallonie-Bruxelles qui, si elle veut encore compter sur l’adhésion de ceux qui sont censés jouer un rôle central en matière d’implémentation du Pacte, va devoir rapidement engranger des avancées concrètes les concernant.
D’avance, nous vous remercions pour votre intérêt et restons, bien entendu, disponibles pour tout échange constructif à propos de cette situation générale.