Une mise au vert pour évaluer les réformes du Pacte d’Excellence est prévue ces vendredi et samedi à Bruxelles. A la veille de l’événement censé relancer la machine, trois syndicats décident de pratiquer la politique de la chaise vide. En parallèle, le gouvernement avance.
Techniquement, c’est une « mise au vert ». Pratiquement, elle n’aura de « vert » que le nom. On devrait plutôt parler de « conclave », organisé derrière les murs de l’austère Palais des Académies au cœur de Bruxelles. Point de pape à l’horizon mais un gros enjeu tout de même : écrire l’avenir du Pacte pour un enseignement d’excellence, cette grande réforme systémique lancée voici une décennie. Pour y parvenir, la ministre de l’Education Valérie Glatigny (MR) a provoqué une large réunion des principaux géniteurs de l’affaire. Sur la liste des invités : les organisations syndicales, les fédérations de pouvoirs organisateurs, les fédérations d’associations de parents et… des dizaines d’autres acteurs de l’école comme des directions, des employés de centres psycho-médico-sociaux, etc.
Grands absents : Frédéric Delcor et Laurence Weerts, hauts fonctionnaires à la Fédération Wallonie-Bruxelles, lesquels sont depuis 10 ans en quelque sorte les géniteurs du fameux Pacte. Par contre, Quentin David, patron de l’Administration générale de l’Enseignement sera des débats. «Il s’agit», commente le cabinet Glatigny, « d’une mise au vert plus globale des acteurs de l’enseignement, non pas du seul comité du Pacte».
« Invités » ne veut cependant pas dire automatiquement « présents » : ce jeudi après-midi, trois syndicats – la CSC, la CGSP et le Setca-Sel – ont informé leurs homologues libéraux et les autres partenaires du Pacte (pouvoirs organisateurs et fédérations de parents) qu’ils pratiqueraient la politique de la chaise vide. Comme un pied de nez à la ministre Glatigny qui voyait dans cette opération l’occasion de renouer positivement avec le secteur.
Des dizaines de milliers d’enseignants dans la rue
Reprenons pour comprendre. Les mouvements d’humeur dans l’enseignement ne datent pas de l’arrivée au pouvoir du duo MR-Engagés en juillet dernier. Dans les deux dernières années de la précédente législature, l’école a manifesté à plusieurs reprises pour dénoncer le rythme et le fonds de certaines réformes. Les syndicats socialistes et libéraux ont, dans la foulée, quitté la table du comité de concertation du Pacte (une chambre de concertation officieuse).
Il y a quelques mois, l’annonce par le nouveau gouvernement d’une vaste réforme du qualifiant – prévue officiellement par le Pacte – et d’une révision des conditions statutaires a mis le feu aux poudres précipitant à plusieurs reprises des dizaines de milliers d’enseignants dans la rue. Dans le même temps, la ministre a, dit-elle, écouté le terrain par-delà ses représentants officiels, en créant un panel représentatif du secteur. Le tout sur fond de préparation de la fin du nouveau tronc commun : le même programme ou presque, pour tous, jusqu’à la troisième secondaire au lieu de la deuxième. En conséquence, en 2028, l’orientation éventuelle vers le qualifiant se fera en quatrième secondaire. Avec à la clé des pertes d’emplois par centaines. Et Valérie Glatigny de prévenir en février dernier : « Si les acteurs veulent toujours vraiment le tronc commun, alors ils vont devoir assumer collectivement tout ça. Parce que pour le moment avec le Pacte, quand ça ne va pas, ce n’est jamais eux. C’est trop facile. Je suis prête à surseoir ou à suspendre la troisième année du tronc commun telle qu’elle est prévue par les travaux du Pacte et par la DPC ! Des gens se sont mis d’accord en 2017 mais au niveau de l’adhésion, ça s’effiloche vraiment. Or, une réforme comme celle-là, n’est pas possible sans une adhésion renouvelée. »
Philippe Charlier, président des Aumôniers du Travail à Charleroi abonde : « La troisième secondaire ne pourra pas se contenter d’être une année générale de plus. Elle devra être novatrice, avec de véritables activités orientantes, pas de simples initiations aux arts ou à la technologie. Elle devra comporter au minimum dix heures par semaine pendant lesquelles le jeune pourra véritablement tester un métier, et éventuellement en changer en cours d’année. »
« Parodie de concertation »
Voilà pour le menu de l’importante mise au vert de ce week-end. Qui se fera sans les syndicats principaux ! « Nous n’irons pas à Bruxelles », justifie Roland Lahaye, secrétaire général de la CSC Enseignement. « On voulait une rencontre avec les acteurs mais la ministre l’a transformée en un grand barnum avec une centaine de participants dont on ne connaît ni la liste, ni l’identité. Nous ne voulons pas nous laisser instrumentaliser de cette manière. Cette parodie de concertation, ce sera donc sans nous. »
En attendant, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles prend les devants. Ce vendredi, juste avant de rejoindre la fameuse mise au vert, Valérie Glatigny proposera à ses collègues d’examiner/valider un avant-projet de décret « relatif à la mise en œuvre du tronc commun en sixième année de l’enseignement primaire, en première et en deuxième années de l’enseignement secondaire ». Les initiés remarqueront qu’on n’y parle pas de la troisième année tant remise en question. « Normal », ponctue la porte-parole de la ministre Glatigny, « les textes doivent encore être écrits pour la troisième secondaire, avec des activités orientantes à implémenter ».
Chef du pôle Société
Par Eric Burgraff