Insultes, coups, morsures, griffures… Les élèves montrent parfois très jeunes des signes de violence à l’école.
“Parfois, je ne me sens pas à l’aise, plus en sécurité en classe”, lâche à nos confrères de la Dernière Heure Alexandra, enseignante de langue qui constate une violence de plus récurrente et violente au fil des ans. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Dans le fondamental, aussi des enfants font preuve de violence envers les instituteurs.
“Je me suis fait mordre, giflée et pincée par un enfant de 7 ans juste parce qu’elle n’était pas d’accord avec la remarque que je lui ai faite. Nous sommes dans une société d’enfants ’empereurs’, c’est la triste réalité”, témoigne l’institutrice Isabelle qui a 30 ans de carrière en primaire.
Dans l’enseignement spécialisé, où la violence est plus élevée que dans l’ordinaire, on constate aussi une intensification de l’agressivité : coups de poing, morsures, crachats, insultes… “Ce sont des enfants tyrans qui ne supportent plus d’être contrariés. Une petite de 11 ans m’a donné un coup de pied dans la mâchoire : après 36 séances de kiné, je vais peut-être devoir être opérée. Il n’y plus d’âge pour la violence”, révèle une autre institutrice.
Si Christine fait rarement face à des affrontements physiques, elle subit beaucoup plus qu’avant de l’agression verbale. “Les enfants n’arrivent plus à gérer leurs émotions. J’ai déjà eu des ‘Grosse p* et mes élèves de 5e primaire m’ont déjà traitée de tous les noms”, précise l’institutrice depuis 20 ans. “En maternelle, un petit gamin a giflé son institutrice en maternelle !”
43 000 profs assurés
Ces témoignages illustrent un malaise et une impuissance face à une agressivité exponentielle dont les profs font les frais. Ethias propose l’assurance “Enseignants-Academic” qui protège l’enseignant contre les violences et agressions dont il pourrait faire l’objet au sein ou en dehors de l’école. Cette année, 43 000 profs ont souscrit à cette protection complémentaire qui intervient après l’assurance obligatoire Accident du Travail. “En 2019, nous comptions 41 000 assurés. C’est en légère augmentation chaque année sans être significatif”, commente Ethias.
eu de chiffres illustrent le vécu des professeurs. “Pour mettre un élève dehors, on doit respecter des étapes et remplir beaucoup de documents administratifs. Rien que pour une classe, j’ai rempli cinq rapports disciplinaires pendant mes cours. Il faut tout expliquer par écrit donc on ferme les yeux sur certaines choses mais alors la direction ne dispose pas d’assez de rapports pour prendre des mesures disciplinaires plus drastiques”, explique Isabelle.
Les signalements d’exclusion sont les plus élevés chez les 14 ans l’année scolaire passée (19,41 %) et les 15 ans (19,14 %) même si le nombre a légèrement diminué par rapport à 2022-2023. Par contre, les chiffres de l’administration montrent une augmentation chez les plus jeunes : presque 2 % de plus chez les 13 ans (14,97 %) et un peu plus de 1 % chez les 12 ans et moins (9,71 %). Au niveau fondamental ordinaire, 72 enfants ont été exclus en 2023-24 contre 60 il y a deux ans.
Les élèves cumulent souvent cinq motifs d’exclusion. Sur les 2 184 exclusions en 2023-24, 124 élèves ont porté sciemment des coups et des blessures envers un membre du personnel, 279 élèves ont porté atteinte à la sécurité et 404 élèves ont exercé une pression psychologique insupportable (insultes, injures, calomnie, diffamation) envers un membre du personnel. Dans le fondamental, ces deux derniers motifs sont en hausse.
Éducation
L’aura d’autorité et de respect qu’inspiraient les enseignants s’étoile avec le temps. Ils peinent à se faire entendre et les parents n’aident pas. “Pour eux, nous sommes tous des fainéants, on fait grève tout le temps”, déplore Isabelle. “La discipline n’existe plus à la maison et est au plus bas à l’école. Les profs ont trop peur des parents et n’osent plus faire de remarque”, rajoute l’enseignant Michaël.
En dehors des jeux vidéo et des réseaux sociaux pour expliquer la violence verbale, les enseignants pointent des parents démissionnaires qui ne veulent pas imaginer que leur enfant puisse être violent. Résultat, ils se retrouvent en plus d’enseigner à éduquer les enfants. “Il faut éduquer les parents et leur rappeler leur rôle.”
Zhen-Zhen Zveny