Deux heures de plus, la fin des nominations au profit de CDI, le tronc commun ou encore la limitation des aménagements de fin de carrière sont dénoncés par les enseignants et les syndicats. La ministre de l’Enseignement, elle, dénonce une communication biaisée. Valérie Glatigny souligne que l’objectif est de réinvestir dans les écoles et appelle à remettre l’élève au centre des priorités.
Entretien.
En cette veille de congé de Toussaint, les enseignants partent en grève. Il faut s’attendre à de grosses perturbations dans les écoles de la Fédération WallonieBruxelles. Les syndicats dénoncent en effet un « catalogue des horreurs » et « des mesures imbuvables » prises dans le cadre de l’assainissement budgétaire indispensable de la Fédération WallonieBruxelles. Et de citer pêlemêle l’augmentation de deux périodes supplémentaire la charge de cours des professeurs du secondaire supérieur à salaire égal, la fin à venir des nominations des enseignants au profit de CDI, la révision des DPPR (les fameux aménagements de fin de carrières, NdlR), l’assouplissement du tronc commun ou encore l’augmentation du minerval dans l’enseignement supérieur.
Mais autant la ministre de l’Enseignement « assume des mesures d’économies nécessaires pour pouvoir réinvestirdans l’école à l’avenir », autant Valérie Glatigny estime qu’il faut « remettre l’élève au centre du débat. »
On parle beaucoup des revendications des enseignants.
Mais il ya aussi la crainte des parents pour l’école de leurs enfants. Que leur répondez-vous ?
Les parents peuvent être inquiets de ce qu’ils entendent.
Mais il faut dire les choses : nous ne sommes plus, aujourd’hui, en capacité financière de répondre aux défis de l’école. Nous avons donc fait un plan sur quatre ans, pour plus de lisibilité, sur ce qui sera fait. On prend certaines mesures positives, d’autres font moins plaisir. Sur les huit milliards consacrés à l’Enseignement, 85 % vont aux paiements des salaires. Un salaire de professeur sur cinq est payé par de l’emprunt. Ce n’est tout simplement pas tenable. Nous avons en Fédération WallonieBruxelles un déficit de 1,5 milliard. On va le stabiliser à 1,2, preuve que ce n’est pas un budget d’austérité.
« Concernant la fin des nominations au profit de CDI, différents scénarios sont sur la table. Certains sont très coûteux, d’autres beaucoup moins ! Nous négocions avec le fédéral à ce sujet. Mais une chose est sûre : si c’est extrêmement coûteux pour nos finances publiques, on ne lefera pas »
Valérie Glatigny – MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT
On va quand même chercher de l’argent dans l’enseignement.
On donne 350 millions d’euros chaque année pour rembourser nos emprunts. Avec ça, je pourrais recruter 6.000 enseignants ! On ne peut pas continuer ainsi. Par rapport à la grève de ce lundi, j’entends les inquiétudes des enseignants mais je regrette que ces actions impactent l’apprentissage de nos enfants. Il faut penser plus à nos élèves, à les remettre au centre du débat.
Vous estimez que c’est la « juste part de l’effort budgétaire » qui est demandée à l’école ?
Si on regarde le rapport des experts que nous avons demandé pour analyser notre situation financière et les pistes d’économies, qu’y constataiton concernant l’école ? Qu’on proposait d’augmenter la taille des classes, de diminuer le nombre d’heures de cours, de ne plus indexer le salaire des professeurs, etc. Nous ne l’avons pas fait ! Nous avons fait d’autres choix, politiques, par rapport aux élèves avec une promesse : que tous sachant lire, écrire et compter en troisième primaire. Et puis, nous avons aussi des politiques nouvelles, mais personne n’en parle !
Lesquelles ?
Nous débloquons 200 millions pour ces politiques nouvelles. C’est par exemple une augmentation salariale de 5 % pour les professeurs qui se seront formés sur quatre ans, ou encore une revalorisation salariale des directions. Nous aménageons aussi les débuts et les fins de carrière, puisqu’il y aura deux périodes « face classe » de moins pour les plus de 60 ans et pour les nouveaux enseignants la première année. Nous renforçons également l’accompagnement personnalisé en débloquant 13 millions d’euros pour 220 postes. Donc, concrètement, si on constate qu’un grand nombre d’élèves a des difficultés d’apprentissage de base, on peut mettre un enseignant de plus en classe en renfort. Tout cela n’est pas rien !
Ce samedi dans Sudinfo, les syndicats estimaient qu’on n’allait pas chercher l’argent là où il le fallait. Et d’évoquer par exemple le coût du redoublement, chiffré selon eux à 400 millions.
Oui, le redoublement coûte cher. Mais le nonredoublement est tout aussi cher ! On risque de laisser des jeunes décrocher, être marginalisés et qui risquent fortement de retomber vers l’aide à la jeunesse. Non, je veux assumer que chacun doive avoir les compétences de base. Le passage automatique à l’année suivante décourage beaucoup l’enseignant et, pire, on ne donne pas la possibilité à l’élève de retravailler les compétences. Nous devons plutôt aller plus loin dans l’accompagnement pour maximiser les apprentissages et éviter le redoublement.
Autre point polémique : la fin des nominations au profit de contrat à durée indéterminée. On en est où dans ce dossier? Il est toujours sur la table ?
La base de la réflexion, c’est de vouloir donner une charge horaire stable et complète à tous les nouveaux enseignants. Aujourd’hui, personne ne peut nier le côté kafkaïen du système. Alors, différents scénarios sont sur la table. Certains sont très coûteux, d’autres beaucoup moins ! Nous négocions avec le fédéral à ce sujet. Mais une chose est sûre : si c’est extrêmement coûteux pour nos finances publiques, on ne le fera pas. C’est pourquoi j’estime que de parler de ce volet est beaucoup trop prématuré car rien n’est tranché. Ceci étant, on n’échappera pas à une réflexion sur l’harmoniation des statuts. Un jeune professeur sur trois quitte le métier dans les cinq ans, je suis convaincue que c’est aussi à cause de cette absence de perspective et de stabilité.
Dernier élément, le tronc commun. On le vide de sa substance ?
Absolument pas. Il s’agit d’un compromis pour renforcer d’une part les compétences de base tout en permettant de découvrir des activités orientantes pour ne pas dévaloriser les fonctions techniques et technologiques.
Très concrètement, en troisième secondaire, huit périodes sur 32 seront choisies par l’élève pour explorer autre chose, mais 24 resteront communes.

