«Nos enfants sont les premiers à subir les réformes»: quand les parents d’élèves font grève aux côtés des profs – Le Vif

De nombreux enseignants se sont croisés les bras, mardi, à l’occasion de la grève des services publics. Des actions majoritairement soutenues par les parents d’élèves, malgré de légitimes inquiétudes organisationnelles. Pour les profs, l’enjeu est de réussir à sensibiliser, sans polariser.

Le jour n’était pas encore levé que la colère grondait déjà. Il était huit heures du matin, mardi, quand les premiers manifestants affluaient devant l’Institut des Arts et Métiers, à Bruxelles. Bonnets vissés sur la tête pour affronter le froid mordant, professeurs, éducateurs, psychologues et responsables de centres PMS ont répondu en nombre à l’appel d’Ecole en Lutte pour protester contre les réformes annoncées dans l’enseignement. Signe du caractère transversal de la grogne, certains parents d’élèves sont mêmes venus grossir les rangs des contestataires. «Nos enfants sont les premiers à subir les conséquences de ces mesures, donc c’était important pour moi d’être présente aujourd’hui, assure Charlotte Forges, maman de deux élèves scolarisés dans un établissement primaire de Saint-Gilles. Je voulais montrer que les rôles de parents et de profs, ça va ensemble

La Bruxelloise dit s’inquiéter de la dégradation «inouïe» des conditions de travail des enseignants et du manque de moyens qui leur sont accordés. «Ils se retrouvent avec toujours plus d’heures de cours, sans être payés plus, dans des locaux toujours plus petits pour le nombre grandissant d’élèves, s’indigne la mère de famille. Or, quand je discute avec les institutrices de mes enfants, je sais qu’elles ont à coeur de faire correctement leur travail, avec beaucoup d’amour et de soin. Ces mesures punitives me paraissent donc aberrantes.» Charlotte Forges n’était d’ailleurs pas la seule maman à participer au mouvement des services publics, mardi. «Je reviens d’un rassemblement dans le centre-ville de Liège, auxquels plusieurs parents d’élèves sont venus se greffer», assure Luc Toussaint, président de la CGSP-Enseignement.

Entre solidarité et frustration

Globalement, «on constate un fort soutien des parents aux revendications des enseignants, confirme Bernard Hubien, secrétaire général de l’Union francophone des associations de parents de l’enseignement catholique (UFAPEC). Beaucoup sont préoccupés par le flou qui entoure certaines mesures, comme la suite du parcours scolaire après le tronc commun». Cela étant, dans le chef de certains parents, ce sont plutôt les appréhensions organisationnelles qui prennent le dessus. «Ils s’inquiètent logiquement de savoir si leurs enfants vont être bien accueillis à l’école malgré les actions le jour J, si leur absence sera justifiée à cause de la grève des transports en commun, si des repas chauds seront servis, etc.»

Pour dissiper toutes ces préoccupations logistiques, la majorité des établissements en grève communiquent de manière transparente, via les canaux traditionnels mais aussi sur les réseaux sociaux. Des publications qui voient alterner messages de soutien et commentaires emprunts de frustration. Certains parents voient ainsi en ces mouvements sociaux une «prise en otage» de leurs enfants, privés temporairement d’apprentissages. Un argument balayé par Luc Toussaint, qui rappelle que lenombre d’heures perdues à cause de la pénurie d’enseignantsengendre des répercussions «bien plus importantes qu’un ou deux jours de suspensions des cours pour faire entendre des revendications légitimes».

Une mission commune

Quoi qu’il en soit, susciter l’adhésion parentale sans trop polariser reste un exercice périlleux pour les enseignants, dont la réputation pâtit de nombreux clichés. «Tout l’enjeu aujourd’hui est de réussir à les sensibiliser à notre cause, sans les monter contre nous, résume Benjamin Six, professeur de religion au collège du Christ-Roi à Ottignies. Notre objectif, c’est de rappeler aux parents que nous ne sommes pas là pour piéger leurs enfants, au contraire. Nous voulons garantir leurs apprentissages, en faire des citoyens conscients et les aider à décrocher un emploi plus tard. Et nous devons nous tenir côte à côte dans cette mission.»

«Tout l’enjeu aujourd’hui est de réussir à sensibiliser les parents à notre cause, sans les monter contre nous. Notre objectif, c’est de leur rappeler que nous ne sommes pas là pour piéger leurs enfants, au contraire.»

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