Le résultat des élections permet-il d’espérer qu’un renouveau politique en matière d’enseignement ?
Une opinion de Jean-François Nandrin, enseignant
Faute que ce soit le climat, du moins la presse ne permet-elle pas de douter de la saison : les fameux jours blancs font leur retour. Pendant ces jours, les cours sont suspendus : certains voudraient les voir diminuer encore, ou être occupés via les écoles [1].
Mais le nombre de ces jours est lié à la qualité des délibérations et des rencontres avec les parents. Les diminuer, c’est diminuer cette qualité, pour en venir à un système soit sans discussion par manque de temps – que cela favorise les échecs (liés à un simple calcul des points ?) ou au contraire le laisser-passer. Or, voilà deux pratiques que les parents décrient : arrêter un élève sans tenir compte de sa situation tout à fait personnelle ; ou laisser passer à tout-va, pour finir un jour par une catastrophe annoncée (que l’on ne sache vraiment plus suivre faute de connaissances, ou que l’on arrive mal préparé dans les hautes études).
Dans les temps
Dans les jours blancs se trouvent aussi ceux disponibles pour les contrôles : il y a une nette volonté de diminuer jusqu’à l’effacement complet ces méchants contrôles (quant à en mettre deux par jour, cela semble déjà une sauvagerie sans pareille). La fin des contrôles finaux ne serait pas un drame en soi, mais ne ferait que déplacer le problème vers des “fausses sessions” – voire vers un stress permanent durant l’année. Et ici aussi, un jour viendront les hautes études où l’on ne peut multiplier les “interros”, et même le métier où l’on attendra un dossier final ficelé (et dans les temps !) et non une série de post-it.
Quant à occuper ces jours, bien d’accord !, mais l’ensemble des enseignants et éducateurs y sont sur le pont : qui encadrera les jeunes ? Je vote pour que ce soient les parents : redemanderont-ils une deuxième fois de gérer cela ?
Et à propos de vote, le grand balayage politique auquel nous avons assisté a sans doute, parmi ses sources, le chavirement de l’enseignement. Non pas que sur le fond, le Pacte soit mauvais, mais son application concrète tient souvent plus de l’idéologie (“ça va aller !”) que de la réalité – et en termes de timing et en termes d’élèves (qu’on nous promet “3.0”, mais on peut en douter).
Enfin, il est intéressant de relever la peur des parents que leur enfant “traîne” on ne sait où, ou reste sur les écrans tout le jour. Il n’est pas neuf que l’école doive éponger les déficits éducatifs – finalement, c’est même un de ces buts ! – mais devons-nous diminuer la qualité de notre travail au service de ces mêmes enfants dont les parents disent ne pas pouvoir les laisser seuls une journée ? Quant au “danger” qu’il courrait dans le “vaste monde”, il interpelle sur ce qui a été fait pour sécuriser, éduquer, accompagner une jeunesse qui serait donc dangereuse à elle-même – et sur la gestion de l’espace public.
Arrêter à temps
Le niveau baisse, pleure-t-on sans cesse, que ce soit sur base de PISA (dont je persiste à penser qu’il est mal lu, comparant des pommes et des poires) ou de l’expérience d’enseignants (et ce ne sont pas les “perles” qui circulent qui rassureront). Ce qui est clair, c’est que le système laisse accroire à beaucoup en leur génie spontané là où il n’est question que de réticence à les arrêter à temps pour reprendre leur souffle. Encore que les jeunes ne soient pas stupides et, s’ils profitent évidemment du système, ils ne sont pas dupes de leurs propres résultats. Et s’inquiètent de leur avenir.
Peut-on espérer qu’un renouveau politique se remarque dans ces deux domaines ? Une école où l’on va commencer par bien faire ce que l’on fait avant de fuir sans cesse en avant, et une gestion nouvelle de l’espace public et de ses problèmes ?
⇒ [1] Cf. par ex. Moins de jours blancs à l’école dès 2026, LLB, 27-05-2024