Les stéréotypes de genre toujours présents dans les manuels scolaires, révèle une étude du Ceméa – RTBF Actus

Douze ans après sa première étude, le Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active (Ceméa) a analysé de nouveau les manuels scolaires de l’enseignement obligatoire au prisme des stéréotypes de genre. Geoffroy Carly, directeur, et Daphné Renders, formatrice du Ceméa, détaillaient leur enquête dans Tendances Première.

20 manuels scolaires de l’enseignement obligatoire ont été décortiqués et analysés dans la nouvelle étude du Ceméa. Le constat est sans appel : « Il n’y a pas tellement d’écarts entre les résultats d’aujourd’hui et ceux d’il y a douze ans« , selon Geoffroy Carly. Alors que les questions des droits des femmes et des minorités de genre bousculent les visions traditionnelles de la société, les stéréotypes de genre prolifèrent encore dans les leçons des enfants. « On est construit culturellement sur toute une série de représentations qu’on reproduit. Et si on ne prend pas le temps d’y réfléchir, on continue à les produire« , alerte le directeur de l’asbl. Que trouve-t-on dans ce rapport ? Tour d’horizon.

Les garçons dehors, les filles à la maison

Dans les manuels scolaires, les hommes sont systématiquement représentés en position dominante, et des femmes plus bas dans la hiérarchie sociale : lui le docteur, elle l’infirmière, lui le pilote d’avion, elle l’hôtesse de l’air etc. Un certain rapport différencié au risque et au travail manuel est aussi relevé par Daphné Renders : « On en revient à ce secteur très genré avec les hommes qui sont des pompiers, des secouristes, ou ouvriers, maçons et électriciens, là où les femmes sont cataloguées à des métiers du care : donc coiffeuses, esthéticiennes ou institutrices« . Geoffroy Carly renchérit : « C’est l’homme qui domine et la femme qui se retrouve à la cuisine : à lui le cadre, à elle le care ».

Selon Daphné Renders, la simple présence d’une femme dans une cuisine dans un exercice ne construit pas la norme, « mais c’est la répétition constante » de ces images qui crée un imaginaire social genré. Les analystes se sont d’ailleurs penchés sur le traitement de la fête des mères : « On dit tout ce qu’une maman fait, et c’est formidable, mais c’est vraiment l’entretenir dans le soin du linge, le soin de la personne, etc. C’est ça qui est valorisé. Après, les enfants vont faire des jolis poèmes qui ressassent ça avec des rimes« , raconte le directeur du Ceméa.

Des représentations stéréotypées des genres et de la famille

Les illustrations des manuels scolaires perpétuent d’ailleurs les normes physiques et d’habillement entre garçons et filles, analyse Daphné Renders : « Les personnages sont très binaires : les garçons ont des shorts, des t-shirts dans les tons bleus, des cheveux courts, et les filles sont marquées comme étant des filles avec des cheveux longs et des robes. Elles sont souvent un peu plus petites que les garçons aussi« .

Des stéréotypes qui ne sont pas sans conséquences sur les élèves selon Geoffroy Carly : « Tous ces stéréotypes sont éventuellement l’objet de stigmatisation, de premières violences, à l’égard des enfants qui ne répondent pas aux normes qui sont posées. Et donc, pouvoir se rendre compte de ça, c’est probablement aussi lutter contre les violences scolaires« . Rendre visible les stéréotypes, c’est donc permettre de s’en défaire.

« On propose ici uniquement ce modèle-là, qu’une petite fille, pour être une petite fille, doit porter des robes ou des jupes« , déplore la formatrice du Ceméa. Il en va donc de même pour la cellule familiale, représentée systématiquement sur le modèle « un papa, une maman, un ou des enfants« , laissant dans l’ombre les familles monoparentales, homoparentales, ou recomposées par exemple.

Les femmes invisibilisées dans les manuels d’Histoire

Dans les 20 manuels analysés, les métiers genrés au masculin sont quatre fois plus nombreux que ceux au féminin. Chassées de la vie professionnelle, les femmes sont aussi invisibilisées dans les manuels d’Histoire. « Au niveau des personnages historiques, le plus présent pour les garçons, c’est Christophe Colomb. Il se retrouve quasiment dans tous les manuels, note à ce sujet Daphné Renders. Alors que la personne historique féminine la plus présente, c’est Mona Lisa, qui n’est même pas une personne active qui a joué un rôle dans l’Histoire. Les personnages féminins sont totalement effacés. On a parfois des petites allusions, par exemple à Marie Curie, qui apparaît dans un manuel« .

Un problème non seulement de rigueur historique, mais encore une fois de représentations pour les jeunes filles, comme le développe Geoffroy Carly : « On peut se dire que les manuels scolaires constituent une forme d’autorité publique. Mais qu’est-ce qu’on propose aux jeunes générations comme étant la voie à suivre ou comme étant les modèles possibles ? Et quand il n’y en a que quelques-uns, et où les filles sont des princesses ou des sorcières, et où les garçons sont des protecteurs, défiant les sorcières, on se retrouve quand même un peu coincé« .

Le directeur du Ceméa appelle alors les éditeurs à prendre en compte les études comme la sienne, et à diversifier les représentations de genre dans leurs manuels à destination du public scolaire.

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