Une ministre « ambitieuse », qui « maintient le cap », c’est ainsi que les observateurs du monde scolaire décrivent à l’envi Caroline Désir. Rares sont les ministres à avoir à ce point enchaîné les réformes sous cette législature et annoté de vert la feuille de route du début de gouvernement. Malgré les crises, la ministre de l’Education a poursuivi le travail de ses prédécesseures – les CDH Joëlle Milquet et Marie-Martine Schyns – afin d’apporter un changement structurel, et de taille, à l’enseignement obligatoire. Pour preuve, reprenons la (longue) liste des décrets engrangés, parfois au pas de course, par la socialiste. Il y a d’abord la poursuite de la mise en œuvre du Pacte d’excellence, mais aussi l’extension des mesures de gratuité scolaire, la généralisation de l’Evras (l’Education à la vie relationnelle, sexuelle et affective), la lutte contre le harcèlement scolaire, etc. Avec un héritage marquant et qui laissera des traces sur les générations futures : la réforme des rythmes scolaires annuels. Une réforme inscrite à la DPC (déclaration de politique communautaire) depuis plus de trente ans et qui n’avait jamais trouvé de chemin jusqu’à sa concrétisation. Cette réforme semble aujourd’hui rencontrer les faveurs des enseignants et des enfants, à l’exception de celles et ceux qui vivent à proximité de la frontière linguistique. La réforme des centres PMS sera, elle, reportée à la prochaine législature, faute des moyens.

Caroline Désir. – Pierre-Yves Thienpont
Par la rédaction
Quoi que l’on pense des réformes mises en œuvre, personne ne peut nier que Caroline Désir aura fait preuve de courage politique, quitte à s’attirer les foudres du terrain. On pense évidemment à l’évaluation des enseignants qui a entraîné l’affront du syndicat frère, seul acteur à se retirer du comité de concertation du Pacte. « La feuille de route du Pacte transcende les gouvernements. La ministre était soumise à un agenda précis et certains dossiers plus compliqués ont dû être gérés durant son mandat. Ce qui cristallise évidemment autour de sa personne », résume un observateur du monde scolaire. « Qu’aurait-on dit si elle avait tout laissé au suivant ? »
Pénurie d’enseignants : doit-on s’attendre au pire ?
Pour son premier poste ministériel, la Bruxelloise aura dû en outre faire face à de nombreuses crises : l’arrivée d’élèves ukrainiens, les inondations et surtout la gestion de la pandémie. A chaque fois, elle aura martelé sa volonté : maintenir les écoles ouvertes aussi longtemps que possible, désireuse d’éviter l’accroissement des inégalités scolaires. Absente du Codeco, elle devra compter sur le relais « efficace » (selon ses dires) de son ministre-président, un libéral, et des équilibres parfois difficiles avec les autres entités fédérées, faisant de l’école le bouc émissaire de la pandémie. Le déconfinement aura suivi, comme ailleurs, de nombreux allers-retours, parfois en dernière minute, mettant à rude épreuve les directions.
A devoir mener en parallèle gestion de crise et réformes d’envergure, le terrain s’est cependant souvent senti incompris par sa ministre de tutelle. Après la crise covid, les manifestations auront été nombreuses, avec un malaise grandissant quant à la surcharge administrative et aux missions toujours plus importantes. Il y a quelques jours seulement, entre 5.000 et 7.000 enseignants protestaient devant le siège du gouvernement. « La communication à l’égard du secteur est ce que l’on a appelé de tous nos vœux et ce qui fait défaut », estime Roland Lahaye, du syndicat chrétien. « Or, les réformes du Pacte ne pourront se concrétiser et se mettre en œuvre sans la confiance des acteurs. »
Mais la ministre de l’Education aura concerté en permanence syndicats, pouvoirs organisateurs et fédérations de parents, maniant pédagogie, empathie et une grande maîtrise des dossiers. Ces longues concertations mèneront à des compromis… qui parfois ne satisferont ni les uns ni les autres. On notera aussi des manquements quant à la revalorisation du métier d’enseignant et la lutte contre la pénurie, deux enjeux qui devront être pris à bras-le-corps lors de la prochaine législature. Car il ne suffit pas de faire voter des réformes pour améliorer la qualité de l’enseignement, il faut aussi qu’elles soient concrétisées.
Caroline Désir : « Aucune école n’échappe au harcèlement »
Les notes en détail
Respect de l’accord de gouvernement : 30/40
Gestion de l’imprévu : 14/20
Communication envers le citoyen : 13/20
Stratégie de long terme : 7/10
Capacité à chercher des compromis : 6/10