Les gens vont sur les chemins, moi, je reste plutôt en dehors…
Ces mots, Augustin, 10 ans, les prononce avec assurance. Accompagné de sa maman, Aurélie, cet amoureux de la nature a fait des forêts et des rivières son terrain d’apprentissage.
“Je n’aime pas l’école, je ne supporte pas de rester assis sur une chaise“, confie-t-il. N’en concluez pas pour autant qu’Augustin n’aime pas apprendre. Bien au contraire : son intérêt pour les plantes, les animaux ou les champignons lui permet de développer des connaissances pointues pour son jeune âge.
Il faut que ça l’intéresse. Et l’orthographe ça ne l’intéresse pas
Pour Aurélie, sa maman, son fils est avant tout un enfant curieux, avide de découvertes. “Il apprend très bien, mais il faut que ça l’intéresse. Par exemple, l’orthographe ne l’intéresse pas du tout“, regrette-t-elle. Assistante scolaire de métier, elle observe chaque jour ce qu’elle perçoit comme les limites d’un système qu’elle juge trop rigide et déconnecté. Elle admet également une certaine responsabilité dans le désamour de son fils pour le système scolaire : “C’est vrai que moi-même, j’ai une certaine défiance envers l’école que je pense lui avoir transmise.”
“Quand, en première primaire, on demande aux enfants de reconnaître les arbres à partir de photocopies en noir et blanc, ce n’est pas très concret“, souligne-t-elle. “Apprendre dehors, c’est plus vivant. L’extérieur permet d’intégrer des savoirs parfois bien plus utiles que certains cours théoriques.”
Cette approche alternative interroge sur le rôle de l’école aujourd’hui : comment répondre aux besoins des enfants qui, comme Augustin, ont soif de liberté et de concret ? Peut-on imaginer des pédagogies plus flexibles laissant davantage de place à l’exploration en plein air ?
En attendant, Augustin continue de tracer son propre chemin, à l’écart des sentiers battus.
Une chambre transformée en cabinet de curiosités
“Viens dans ma chambre ! Je vais te montrer mes collections !“, lance Augustin avec enthousiasme. “C’est un véritable cabinet de curiosités“, plaisante sa maman. La visite de son espace de 10 mètres carrés prendra une heure et demie.
Ici, tous les univers d’Augustin se croisent et s’entrelacent. La pièce centrale de cet univers : une vitrine qui regorge des trésors que le jeune explorateur a patiemment collectés. Avec précision, il décrit chaque pièce, chaque trouvaille : “Là, c’est un crâne de castor. Regarde ses dents, c’est facile à reconnaître. Ici, j’ai deux crânes de sanglier, et là, c’est un blaireau.”
Sur un appui de fenêtre, il nous montre un os, un bois de cerf et une corne de vache qu’il a trouvés en explorant la nature. “Il les identifie grâce à ses propres recherches et avec mon aide, celle de son oncle et de sa grand-mère, toutes et tous passionné·es de forêt“, explique Aurélie. “Parfois, on se renseigne auprès de gens qui s’y connaissent mieux que nous et puis internet nous aide beaucoup aussi“, confie-t-elle.
Sous son lit, d’autres trésors cachés, ceux qu’il a trouvés grâce à son détecteur de métaux. Au fur et à mesure des années les boutons, les balles de fusils mousquets, les vieilles pièces, se sont entassés dans des boîtes en fer. Chaque objet a une anecdote : “Certaines découvertes sont des portes ouvertes sur l’Histoire“, raconte Aurélie. À mesure que ses boîtes se remplissent, Augustin en apprend davantage sur les batailles qui ont marqué les terrains qu’il scanne avec son détecteur de métaux.

© Vews
“Viens dans ma chambre ! Je vais te montrer mes collections !“, lance Augustin avec enthousiasme. “C’est un véritable cabinet de curiosités“, plaisante sa maman. La visite de son espace de 10 mètres carrés prendra une heure et demie.
Ici, tous les univers d’Augustin se croisent et s’entrelacent. La pièce centrale de cet univers : une vitrine qui regorge des trésors que le jeune explorateur a patiemment collectés. Avec précision, il décrit chaque pièce, chaque trouvaille : “Là, c’est un crâne de castor. Regarde ses dents, c’est facile à reconnaître. Ici, j’ai deux crânes de sanglier, et là, c’est un blaireau.”
Sur un appui de fenêtre, il nous montre un os, un bois de cerf et une corne de vache qu’il a trouvés en explorant la nature. “Il les identifie grâce à ses propres recherches et avec mon aide, celle de son oncle et de sa grand-mère, toutes et tous passionné·es de forêt“, explique Aurélie. “Parfois, on se renseigne auprès de gens qui s’y connaissent mieux que nous et puis internet nous aide beaucoup aussi“, confie-t-elle.
Sous son lit, d’autres trésors cachés, ceux qu’il a trouvés grâce à son détecteur de métaux. Au fur et à mesure des années les boutons, les balles de fusils mousquets, les vieilles pièces, se sont entassés dans des boîtes en fer. Chaque objet a une anecdote : “Certaines découvertes sont des portes ouvertes sur l’Histoire“, raconte Aurélie. À mesure que ses boîtes se remplissent, Augustin en apprend davantage sur les batailles qui ont marqué les terrains qu’il scanne avec son détecteur de métaux.
Automne : champignons et nouvelle chasse aux trésors

@ Vews
Un panier à la main, Augustin file à travers la forêt, suivi de près par sa maman et leur chienne Simone. “Venez, venez ! Ici, il y en a plein !“, s’exclame-t-il en désignant un tapis de champignons dorés sous les arbres. “Des chanterelles !“, annonce-t-il avec enthousiasme, entamant aussitôt sa cueillette.
Curieuse, je lui montre un champignon inconnu et lui demande de l’identifier. “Ça, c’est une fausse girolle“, explique Augustin. “Ce n’est pas toxique, mais ce n’est pas très bon non plus.” Plus loin, il trouve un bolet mais déjà trop vieux pour être consommé. Plus loin encore, une amanite phalloïde. “Celui-là est mortel”, avertit-il avec sérieux. Il nous explique que l’amanite tue-mouches n’est quant à elle pas mortelle mais juste toxique, “très toxique“!
Augustin nous apprend que, si certains champignons se ressemblent, on peut les différencier en fonction des arbres sous lesquels ils poussent. Ainsi, il nous explique que “les pieds-de-mouton poussent sous les hêtres” en montrant un spécimen beige-orangé. “Ils ont de petites aiguillons en dessous. En revanche, les pieds-de-chèvre poussent sous les sapins, sont plus foncés et sont moins bons.”
Soudain, il repère un crâne à moitié enfoui sous les feuilles. “Un crâne de sanglier !“, s’écrie-t-il, avant qu’Aurélie ne l’interpelle : “Ah non, Augustin, on en a déjà assez à la maison.” Il lui lance un large sourire et le repose délicatement.
La journée se termine, Aurélie, Augustin et leur chienne Simone rentrent à la maison les paniers remplis. Augustin nous donne quelques consignes avant de partir : “Si vous allez à la cueillette, il ne faut pas tout cueillir pour ne pas abîmer la nature.” Et surtout nous devons promettre de ne partager l’endroit avec personne car les coins à champignons sont des secrets bien gardés.
Printemps : étangs et crapauds tout mous
De février à avril, les batraciens sortent d’hibernation pour rejoindre leurs lieux de naissance et s’y reproduire. Mais leur périple est semé d’embûches, notamment les routes qu’ils traversent au péril de leur vie.
C’est le soir, au bord de l’une de ces grands-routes que nous retrouvons Augustin, sa lampe frontale vissée sur la tête, il accompagne une association qui aide grenouilles et crapauds à traverser la route. Ils ont fabriqué un barrage avec des sceaux enfoncés dans le sol. Ces pièges permettent de collecter les batraciens tombés dedans. La mission d’Augustin et des autres bénévoles est simple : ramasser un maximum de grenouilles et de crapauds pour les transporter, seau à la main, vers l’étang qui se trouve de l’autre côté de la route.
C’est aussi à cette occasion que les bénévoles identifient les différentes espèces et genres des amphibiens. Entre deux sauts de grenouilles Augustin nous explique : “Les crapauds sont tout mous, les grenouilles beaucoup plus vives, elles ne resteraient pas dans ma main, comme ce crapaud.”
“Ici, c’est un crapaud mâle“, explique Augustin, qui identifie chaque batracien avec expertise. Augustin n’en est en effet pas à sa première mission de sauvetage. “J’adore les grenouilles“, confie-t-il avec un sourire. “Je trouve ça marrant, une grenouille.”
Mais derrière ce qui ressemble à un jeu, se cache une inquiétude face au déclin de ces amphibiens victimes de la dégradation de leurs habitats. Un des bénévoles fait, en effet, un constat alarmant : “Il y a trois ans, on en avait ramassé 1.200. Cette année, seulement 300“, déplore-t-il.
Eté : la pêche et l’air qui donne des ailes

@ Vews
“C’est l’été, il n’y a pas école, c’est bien“, déclare Augustin, avec un soupir d’aise.
Pour ce jeune garçon, la période estivale est une véritable bouffée d’air frais, loin des murs de l’école. “Le fait d’être dehors, ça motive, ça donne des ailes qu’on n’a pas forcément lorsqu’on est enfermés. Je pense que l’être humain n’est pas fait pour rester assis entre quatre murs“, ajoute Aurélie qui partage avec lui cet amour pour la vie en plein air.
Durant l’été, les journées d’Augustin sont rythmées par une multitude d’activités : baignades, cueillettes, escalades, et surtout sa grande passion, la pêche.
Avec son permis de pêche en poche, Augustin peut passer des heures au bord de l’eau, en attendant que ça morde. Dans ce domaine, sa patience est sans limite, et son savoir dépasse largement celui de sa maman qui nous confie ne rien y comprendre.
Il a tout appris en allant à la rencontre de pêcheurs croisés aux bords des étangs et des rivières.
Pendant que sa maman profite du soleil et d’un bon roman, Augustin, lui, observe attentivement l’eau. “Regarde ! Une écrevisse !“, s’écrie-t-il en soulevant une pierre. “C’est une écrevisse américaine. Elles ont été introduites ici et ont tué toutes les écrevisses de nos rivières. C’est une espèce invasive qui cause beaucoup de dégâts. On dit qu’il faut les tuer, mais pour moi, ça ne sert à rien. Déjà parce que je les aime bien et puis il y en a tellement que c’est trop tard.”
Avec son approche singulière de l’apprentissage, Augustin prouve que la nature elle-même peut être tout aussi voire plus instructive qu’une salle de classe.
Pour Aurélie, l’idéal serait un équilibre. “L’école pourrait s’inspirer davantage de la nature, avec des cours en extérieur ou des activités plus concrètes“, suggère-t-elle.
En attendant, Augustin continue d’apprendre à sa manière. Chaque journée passée dans la forêt est une nouvelle aventure, un nouveau chapitre de son éducation singulière.