Le vrai ou faux : les enseignants francophones travaillent-ils 30 % de moins qu’ailleurs ? – Le Soir

Faux

Ce que l’on va mettre en place, c’est une égalité avec les profs du secondaire inférieur, sachant que nos profs du secondaire supérieur gagnent 25 % de plus et qu’au niveau de l’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement économique, NDLR), nos profs du secondaire travaillent 30 % de moins. » Sur le plateau de QR-Le débat de la RTBF, mais aussi à d’autres occasions dans la presse, Valérie Glatigny (MR), la ministre de l’Education, a ainsi justifié le passage de 20 à 22 périodes « face classe » pour les enseignants du secondaire supérieur (de la 4e à la 6e secondaire).

En Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), comme dans de nombreux systèmes éducatifs, la charge horaire devant les élèves varie selon le niveau d’enseignement : 28 périodes de 50 minutes pour les professeurs de pratique professionnelle, 26 périodes pour les instituteurs maternels, 24 pour les instituteurs primaires et bientôt 22 périodes pour tous les professeurs du secondaire (à l’exception de la première année d’enseignement et des membres du personnel âgés de 60 ans et plus). Les tâches en dehors des activités d’enseignement font également partie du temps de travail des enseignants : préparation des cours, correction des évaluations, formation continue, réunions d’équipe…

L’OCDE, qui publie chaque année son rapport Regard sur l’éducation, émet une comparaison du « temps d’enseignement des enseignants, selon le niveau d’enseignement ». Le dernier en date à proposer cette comparaison est le rapport de 2024, sur la base des données de 2023.

612 heures « face classe »

Que disent les chiffres ? En FWB, les enseignants du secondaire supérieur assurent annuellement 612 heures « face classe », contre 604 heures pour ceux de la Communauté flamande et 618 heures pour la moyenne européenne des Vingt-Cinq (l’ensemble de l’Union européenne à l’exception de la Roumanie et de la Bulgarie).

Pour les pays de l’OCDE, qui inclut notamment les Etats-Unis, le Brésil, la Colombie, le Japon ou encore la Turquie, la moyenne atteint 679 heures. En 2023, les enseignants belges francophones prestaient donc 9,9 % d’heures en moins devant leurs élèves que la moyenne des pays développés. Le rapport de l’OCDE précise que les jours de formation continue ne sont pas exclus du temps d’enseignement dans un tiers des systèmes éducatifs, ce qui peut conduire à une légère surestimation. La Belgique francophone n’en fait pas partie.

Dans le degré secondaire inférieur (de la 1re à la 3e secondaire), la moyenne annuelle européenne est de 632 heures, contre 646 en FWB. Elle monte à 706 heures au niveau de l’OCDE. « Dans la plupart des pays, le nombre d’heures de cours est similaire dans le premier et le deuxième cycle de l’enseignement secondaire (si ce n’est égal, du moins inférieur à 5 % de différence) », précise l’organisation, qui rappelle toutefois que la charge d’enseignement peut dépendre du niveau de formation dans certains systèmes éducatifs.

 

Alors que de nombreux pays définissent officiellement le temps travail annuel des enseignants (en ce compris les tâches en dehors de la classe), ce n’est pas le cas en FWB pour les deux cycles du secondaire. Selon les estimations, le temps consacré à l’instruction représente environ la moitié du temps de travail. L’OCDE souligne que si une plus grande part du temps statutaire est consacrée à la présence en classe, le temps disponible pour la préparation et l’évaluation peut diminuer.

« Aucune manipulation envisagée »

Mais alors, d’où viennent les 30 % évoqués par la ministre Valérie Glatigny ? Ce mercredi, en séance plénière, en réponse à une question de la députée Eliane Tillieux (PS), la libérale a précisé que les chiffres cités provenaient de la base de données de l’OCDE, dont les dernières données disponibles seraient celles de 2021. La source « indique une moyenne de 722 heures* par an pour les enseignants, contre 588 heures pour les enseignants en Fédération Wallonie-Bruxelles ». L’OCDE indique pourtant au Soir que les données 2023 existent bel et bien dans sa base de données en anglais.

Selon la ministre, c’est cette base de données « qui sert de référence aux comparaisons internationales et sur laquelle se sont fondés les experts qui nous ont recommandé les mesures. Ceux-ci s’appuient eux-mêmes sur le Fonds monétaire international (FMI), qui utilise également la base OCDE ». Elle reconnaît que des mises à jour peuvent exister, mais qu’elles ne sont pas encore intégrées dans la base de référence. « Dans tous les cas, une tendance claire se dégage de tous les chiffres évoqués. Cela ne signifie absolument pas que nos enseignants travaillent trop peu. »

Même sur la base des données de 2021, les enseignants de la FWB travailleraient 23,8 % de moins que ceux de l’OCDE, et non pas 30 %… En 2023, le différentiel n’était plus que de 9,9 %. « L’important est que, quel que soit le chiffre, (…) l’éclairage que nous avons voulu apporter via cette comparaison demeure le même. Il n’y a donc ici aucune manipulation des chiffres qui a été envisagée », conclut le cabinet.

* Pour l’année 2021, la base de données en français de l’OCDE à laquelle se réfère le cabinet note une moyenne annuelle de 772 heures pour les enseignants du secondaire supérieur au sein de l’OCDE, tandis que la base de données en anglais réfère une moyenne de 682 heures et le rapport « Regard sur l’éducation » une moyenne de 684 heures. « Dans certains cas, les valeurs des années précédentes peuvent être révisées afin d’assurer la cohérence des données d’une année à l’autre (la méthodologie pouvant être ajustée ou améliorée pour les données les plus récentes) », précise au Soir l’OCDE.

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