Le monde enseignant est en grève ce lundi. Les enseignants et les syndicats critiquent bon nombre des mesures décidées par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Des mesures d’économies comme faire travailler les enseignants du secondaire supérieur 2 heures de plus face à une classe sans être payés plus ou la réforme de la gratuité dans le primaire. Mais aussi des choix comme celui de revoir le tronc commun jusque la troisième secondaire.
Aujourd’hui, bon nombre d’enseignants se disent inquiets pour la qualité de leur travail. Et ils dénoncent les choix effectués par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Deux heures en plus dans le secondaire supérieur sans être payés plus
Cette mesure passe mal chez les enseignants concernés. « C’est clairement considérer que les enseignants du degré supérieur ne travaillent pas assez, explique Jérémy Bléret, professeur de mathématique de 36 ans au Collège Saint-Augustin à Enghien. Donc, on nous met deux heures de plus face à une classe sans être payé plus. Des études ont déjà montré qu’un enseignant en moyenne travaille aux alentours de 40 heures lorsqu’on compte tout ce qu’il y a derrière : les corrections, les réunions, les conseils de classe, les explications aux élèves sur le temps de midi etc.«
Une quinzaine d’enseignants risquent de ne plus avoir de place dans notre école.
C’est l’une des principales conséquences de cette mesure. Au Collège Saint-Augustin, Jérémy Bléret estime qu’une quinzaine d’enseignants sur 95 pour le secondaire supérieur dans le général, le technique et le professionnel, sont menacés de perdre leur place. « Cela va engendrer une moins-value car ce sont des enseignants pour la plupart qui sont là depuis quelques années. Et une majorité d’entre eux m’ont dit qu’ils envisageaient de changer de métier. Les directions d’école vont devoir gérer cela en tenant compte de l’ancienneté de chaque enseignant. Et ce sont les derniers arrivés et donc souvent les plus jeunes, qui vont faire les frais de ces changements. Il y a inévitablement des enseignants qui vont devoir faire plusieurs écoles avec des kilomètres à effectuer. Cela va amener de l’instabilité, de l’inconfort et, in fine, une moins bonne qualité d’enseignement pour nos étudiants.«
Valérie Glatigny veut nuancer le contexte
Le nombre d’enseignants qui seraient impactés par la mesure tourne entre 1000 et 1500 équivalents temps plein. Et elle rapportera 100 millions à la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Mais Valérie Glatigny, la ministre de l’Enseignement obligatoire, veut rassurer. Selon les chiffres de l’administration, chaque année, plus de 2000 équivalents temps plein s’ouvrent dans le secondaire supérieur avec les départs via les DPPR, la disponibilité précédant la pension de retraite, via les départs à la pension et les allègements de charge. Et toujours selon l’administration, 4000 postes, pour l’ensemble du secondaire, s’ouvrent chaque année. Et donc, pour Valérie Glatigny, les pertes d’emploi pourraient être évitées.
Il en ressort que je vais devoir faire six écoles.
Alexandre Lodez, le secrétaire général du SEGEC, l’enseignement catholique reconnaît que ce sera compliqué : « Je vois bien auprès des collègues directeurs qu’ils voient l’application de cette mesure avec de réelles inquiétudes en terme d’organisation. Il y a probablement des équipes qui vont être déstructurées, déstabilisées partiellement. La manière dont ça se passe est difficile à avaler pour le personnel. Mais nous sommes dans un contexte de pénurie d’enseignants et dans ce cadre, trouver de l’emploi n’est pas impossible. Mais souvent, c’est un emploi relativement précaire car c’est souvent de l’intérim et de courte durée. Donc, de l’emploi de moins bonne qualité mais tout le monde pourrait être récupéré. »
Morgane est professeure de géographie. Et elle a déjà fait ses calculs. « Par effet domino, je vais perdre des heures de cours dans l’école où je suis actuellement et donc, je vais devoir trouver des heures à gauche et à droite pour compléter mon horaire. Et il en ressort que je vais devoir faire six écoles.«
Les DPPR, les fins de carrière des enseignants seront modifiées
Valérie Glatigny, la ministre de l’Enseignement obligatoire, a toujours expliqué qu’elle ne comptait pas remettre en cause la disponibilité précédant la pension de retraite (DDPR) des enseignants, un système qui permet d’alléger la fin de carrière des enseignants. Mais Valérie Glatigny avait aussi ajouté que le système serait adapté aux mesures décidées par le gouvernement fédéral et le ministre des Pensions, Jan Jambon.
Pour l’instant, aucun texte n’a encore été adopté au niveau fédéral. Mais le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a déjà embrayé et, à l’avenir, les enseignants en fin de carrière ne pourraient plus disposer que de 24 mois maximum de mise en disponibilité avant la retraite.
Pour Luc Toussaint, de la CGSP, c’est un choix qui va poser problème : « Tous les enseignants ne peuvent aller jusque leur date de pension en assumant un temps plein. En limitant aussi fort la possibilité d’adaptation, on va décourager des gens qui vont quitter le métier avant l’heure.«
Les modifications du tronc commun et la fin des nominations
Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a décidé de revoir le principe du tronc commun qui arrivera en troisième secondaire à la rentrée 2028-2029. Initialement, il était prévu que, jusque la fin de la troisième, les élèves auraient tous les mêmes cours. Le gouvernement a décidé de permettre 8 périodes d’options différentes. Pour les syndicats, « c’est remettre en cause le but du tronc commun, d’offrir la même formation et les mêmes possibilités à tous les étudiants jusque 15 ans.«
Les syndicats dénoncent aussi la fin des nominations prévues dans l’enseignement à partir de la rentrée 2027 et la mise en place de CDI, des contrats à durée indéterminée. « Cela va notamment coûter cher au gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles en termes de pension. » Pour Valérie Glatigny, « cela va au contraire, mieux et plus vite stabiliser les jeunes enseignants.«
C’est pas comme cela qu’on va rendre de l’attractivité à la profession.
Les syndicats ne cachent pas leur inquiétude. Un constat qui n’est pas neuf mais Roland Lahaye, de la CSC, tire la sonnette d’alarme. « C’est un métier qui a toujours été particulier, c’est un métier où il faut sortir ses tripes. Mais à partir du moment où le gouvernement savonne la planche, il ne faut pas s’étonner que les jeunes désertent cette profession qui est très belle mais qui est semée d’embûches. Aujourd’hui, au lieu de les rassurer et de les accompagner, on leur complique la tâche et on allonge les carrières. C’est pas comme cela qu’on va rendre de l’attractivité à la profession.«

