En 2024, 87,9 % des élèves de 6e primaire ont réussi leur Certificat d’études de base (CEB). Cette année encore, des professeurs l’accusent d’être devenu plus facile qu’avant et de niveler l’exigence de l’enseignement par le bas. Mais est-ce vraiment le cas ?
“Enseignante depuis plus de 30 ans, je constate que le niveau des CEB descend d’année en année”, “Arrêtons le nivellement par le bas, ces évaluations sont de plus en plus simples”. Sur les réseaux sociaux, des professeurs assurent que le CEB serait devenu plus facile qu’avant. Une affirmation incorrecte pour Dominique Lafontaine, professeure en sciences de l’éducation à l’ULiège. “Il y a toujours des petites fluctuations dans la difficulté de l’épreuve d’une année à l’autre car c’est très compliqué de créer des questions ayant exactement le même niveau”, explique-t-elle. “Mais je ne vois ni pourquoi ni comment les concepteurs de l’épreuve l’auraient intentionnellement rendue plus facile. Techniquement, il est très difficile de manipuler le niveau.”
“Les épreuves sont inédites”, confirme le service communication de l’Administration générale de l’Enseignement. “Les questions font l’objet d’une réflexion pédagogique approfondie et sont construites pour garantir une qualité d’évaluation constante année après année. Le niveau de difficulté d’une épreuve doit être considéré comme un tout, il ne s’agit pas de comparer des questions d’années différentes isolément. Chaque épreuve peut contenir des questions plus faciles et plus difficiles, mais le groupe de travail veille à l’équilibre global de l’épreuve pour chaque discipline. Quand on observe les taux de réussite depuis 2008, on constate que les résultats sont assez stables”, poursuit l’Administration.
Année | Taux de réussite global au CEB |
---|---|
2008 | 87,7 % |
2009 | 89,4 % |
2010 | 94,9 % |
2011 | 91,7 % |
2012 | 92,1 % |
2013 | 96,5 % |
2014 | 88,8 % |
2015 | 93,3 % |
2016 | 91,2 % |
2017 | 85,5 % |
2018 | 90,6 % |
2019 | 90,8 % |
2021 | 88,3 % |
2022 | 85,4 % |
2023 | 88,2 % |
2024 | 87,9 % |
Un “nivellement par le bas” ?
“Cette année est particulière”, ajoute Josette Joly, directrice de l’école primaire Mater Dei à Woluwe-Saint-Pierre. “Il s’agit du dernier CEB organisé sur le socle des compétences puisque la sixième primaire n’est pas encore entrée dans le tronc commun. À partir de l’an prochain, il se fera normalement sur la base du nouveau référentiel de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Comme tous les nouveaux cours auront été redistribués pour chacune des années primaires, il faudra voir avec le nouveau CEB, qui sortira en juin 2026, s’il y aura réellement un nivellement par le bas ou non.”
À l’heure actuelle, il n’en est en tout cas pas question, soutient la directrice. “Beaucoup de personnes utilisent ce terme, mais il faut être très prudent”, avance-t-elle. “S’il y avait un nivellement par le bas, tous les élèves auraient une moyenne entre 85 % et 95 % dans toutes les matières. Or, selon mon analyse de directrice depuis quinze ans, ce n’est absolument pas le cas, même dans mon école à indice socio-économique élevé. On a des élèves qui réussissent avec 55, 60 ou 65 %. Si j’en ai 4 ou 5 qui atteignent les 90 %, c’est déjà bien.”
Un taux de réussite élevé mais logique
Pour Josette Joly, le CEB n’est donc pas aussi facile que ce que l’on tend à dire. “Après l’épreuve, les enfants ont habituellement la sensation que ce n’était pas compliqué. Or, quand je donnais le CEB à mes élèves les années précédentes, on retravaillait les exercices ensemble après avoir récupéré les copies. Les têtes de ceux qui pensaient que l’examen avait été facile changeaient… Je serais très étonnée de savoir comment des adultes qui trouvent qu’il y a un nivellement par le bas réussiraient les épreuves.”
Face à ce même reproche, Dominique Lafontaine rappelle quant à elle l’esprit même du CEB. “Cette épreuve externe certifie que les élèves possèdent les compétences de base qui figurent dans les socles de compétences. Ce serait vraiment très inquiétant si les taux de réussite n’étaient pas élevés parce qu’on évalue le bagage minimal que les enfants doivent posséder pour entrer dans l’enseignement secondaire.”
D’autres critiques du CEB interrogent aussi l’utilité d’une épreuve commune face aux différences de niveau entre – et au sein même – des établissements. Des disparités qui sont cependant moins importantes dans l’enseignement primaire que secondaire, souligne Dominique Lafontaine. “Je pense qu’il faut garder le CEB, mais j’en ferais plutôt une épreuve formative que certificative, avance quant à elle Josette Joly. Ce serait un indice pour la suite, pour que ceux qui accueillent les élèves en première secondaire sachent exactement quelles sont leurs fragilités pour leur offrir un soutien et un accompagnement adaptés.”
Vers une hausse du seuil de réussite ?
Aujourd’hui, le seuil de réussite du CEB est fixé à 50 %. Des voix au sein du MR projettent de le faire passer à 60 %. Une bonne idée, selon la directrice. “Peut-être que ça permettrait de baliser les choses. Quand un enfant rate une des matières, on doit délibérer en école pour savoir si on lui octroie quand même le CEB ou non, explique-t-elle. Quand l’élève est en échec et qu’on ne lui donne pas le CEB en délibération, la décision passe en chambre de recours. Avec la poursuite du tronc commun, il n’y aura plus de première différenciée. Donc si la chambre de recours décide d’accorder le CEB, on va se retrouver avec des enfants en première secondaire qui n’auront pas les acquis nécessaires.”
Selon Josette Joly, faire passer le seuil de réussite à 60 % rendrait peut-être la chambre de recours plus encline à refuser l’octroi du CEB. Un changement qui permettrait aussi une remobilisation des familles autour de l’éducation de l’enfant, tout au long du cursus scolaire. “Pour moi, le nivellement par le bas se situe plutôt dans certaines familles qui n’encadrent plus leurs enfants. Les journaux de classe et les contrôles ne sont par exemple plus signés, regrette-t-elle. “Le parent devrait être complémentaire à l’école et non plus contre elle.”
Pour Dominique Lafontaine, une hausse du seuil de réussite du CEB tiendrait plus de l’effet d’annonce que d’une véritable solution par rapport aux difficultés d’apprentissage. En le fixant à 60 %, il n’y aurait qu’un nombre réduit d’élèves supplémentaires qui n’obtiendrait pas le certificat, mais l’impact sur les enfants concernés serait quand même considérable. “Il y a une symbolique autour de cette épreuve. Pour l’élève qui échoue au CEB, le sentiment d’échec est vraiment très important”, souligne la professeure de l’ULiège.