Alors que le parlement de la FWB vient de voter le budget 2025, les acteurs de l’école dénoncent un manque de préparation, et une non-prise en compte des attentes du marché du travail.

Après l’adoption définitive du budget 2025 en Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est toujours l’incompréhension et l’insatisfaction qui domine parmi les acteurs de l’école. Aussi bien les enseignants, les directions, que les élèves et même l’ensemble des fédérations de pouvoir organisateur – de l’officiel au libre confessionnel. « Je ne suis pas d’accord avec la ministre Glatigny lorsqu’elle dit que les mesures concernant le qualifiant s’inscrivent dans la trajectoire du Pacte d’excellence », soutient Sébastien Schetgen, administrateur délégué du Cpeons (l’enseignement officiel subventionné).

Il cible ici l’interdiction pour les élèves majeurs en décrochage de poursuivre dans l’enseignement secondaire et pour les élèves détenteurs d’un CESS (certificat d’enseignement secondaire supérieur) d’entamer une 7e année. Sous la précédente législature, un décret prévoyait déjà de rationaliser les moyens et l’offre de formations.

Un observateur avisé du monde scolaire nuance : « Le pacte prévoit une trajectoire avec des effets retour, il faut que tous les acteurs de l’enseignement l’assument. Les petites options consomment un grand nombre de ressources. En revanche, si les 7e années existent, ce n’est pas par hasard. Les jeunes qui les fréquentent ont des besoins spécifiques. Elles permettent de développer des compétences qui donnent accès à l’emploi. L’Etat doit donc respecter l’engagement qui permet de s’assurer que les alternatives existent vraiment. »

Passeport pour l’emploi

Selon un rapport publié par le Forem en août dernier, « les personnes qui terminent des études secondaires techniques qualifiantes (7e ou complémentaire) connaissent un taux d’insertion élevé (supérieur à 72 %) dépassant celui des diplômés de l’alternance et de master ». « Les 7e années secondaires sont conçues en concertation avec les secteurs professionnels. Ces derniers nous disent ô combien ils ont besoin de travailleurs qualifiés », ajoute Sébastien Schetgen Une formation dans le qualifiant, qui commençait en 3esecondaire, se déroulera à l’avenir sur trois ans au lieu de quatre ou cinq ans avec le prolongement du tronc commun jusqu’en 4e secondaire.

Les personnes qui terminent des études secondaires techniques qualifiantes connaissent un taux d’insertion élevé dépassant celui des diplômés de l’alternance et de master

Le Forem

A l’avenir, ces élèves seront invités à se diriger vers l’enseignement pour adulte, l’enseignement supérieur ou la formation professionnelle (comme l’Ifapme en Wallonie). « Pour 2025, la promotion sociale n’est pas prête à accueillir tous ces élèves du secondaire », insiste Sébastien Schetgen, dont le réseau coordonne également des établissements de promotion sociale. « Elle accueille un public plus âgé, avec des personnes qui ont déjà un parcours derrière elles et qui ont d’autres motivations. Par ailleurs, la promotion sociale fonctionne sur un système d’enveloppe fermée, le budget reste identique indépendamment d’un nombre d’élèves. L’Ifapme dispose de plus de souplesse pour proposer de nouvelles formations, mais il n’y a pas certification à la clé, ce qui nous inquiète. »

Selon les estimations menées par le Segec (le Secrétariat général de l’enseignement catholique), sur les 1.200 élèves qui fréquentent une 7e année, seuls 25 % se dirigent actuellement vers les hautes écoles. « Ces étudiants ne s’orientent pas naturellement vers d’autres types d’enseignement », pointe Alexandre Lodez, le nouveau patron du Segec. « Ce sont des jeunes qui ont encore besoin d’être encadrés, ce que l’enseignement obligatoire leur apporte. » Il redoute une perte de 450 emplois dans l’enseignement qualifiant.

« Une faute politique »

Face à la colère de l’ensemble du secteur, les acteurs s’étonnent de ce qui s’apparente à « un manque d’anticipation » du politique. « Le gouvernement a raison, il y a un vrai problème budgétaire en FWB, des économies doivent être faites. Ce qui est frappant, c’est qu’ils sont en train d’allumer des feux à peu près partout. Une telle mobilisation n’était plus arrivée depuis des années », résume un autre observateur.

Comment expliquer un tel mécontentement ? « D’abord sur le fond, on voit difficilement le sens de cette mesure. Notamment par rapport à la vision adéquationniste que peut avoir le MR à l’égard de l’école, qui devrait répondre aux enjeux du monde du travail. A côté de ça, il y a le côté émotionnel. On touche à des élèves fragilisés. Ce sont souvent les meilleurs élèves, les plus motivés qui entament cette année complémentaire. C’est d’une violence qui s’apparente à une faute politique. »

Depuis la mobilisation des directions d’école, le terrain perçoit tout de même une ouverture à saisir. « J’espère que d’ici le contrôle budgétaire au printemps prochain, on pourra réaliser un cadastre précis des options », plaide Alexandre Lodez. « Pour qu’une alternative à une 7e année soit jugée ‘‘raisonnable’‘, celle-ci répondre à plusieurs critères : proposer une durée de formation équivalente, d’un niveau équivalent et à une distance raisonnable. » Le patron du Segec, pourtant conseiller communal Les Engagés à Theux, espère que le message sera entendu lors d’une rencontre prévue la semaine suivante avec le cabinet Glatigny.