Le gouvernement francophone qui démarre son conclave budgétaire va devoir prendre des mesures d’austérité

La situation budgétaire en Fédération Wallonie-Bruxelles serait catastrophique. Alors qu’il s’apprête à négocier son ajustement budgétaire en conclave, le gouvernement francophone, présidé par Elisabeth Degryse (Les Engagés), est confronté à des chiffres qui dévient fortement de la trajectoire initiale du budget confectionné fin 2024 pour l’exercice 2025. Une différence négative de 350 millions vient d’être mise en évidence par les services du gouvernement. Un trou budgétaire qui pourrait mettre à mal les futures mesures que le gouvernement comptait prendre dans les mois et années qui viennent.

Cette dégradation serait due à plusieurs éléments. Le premier concerne les crédits sous-utilisés. Pour faire simple, il s’agit de moyens financiers réservés pour assumer certaines politiques. Le gouvernement, et c’est assez habituel comme manière de fonctionner, pensait pouvoir compter sur un certain montant de crédits sous-utilisés. Manifestement, le chiffre en sa possession lors de la réalisation du budget initial n’était pas le bon et c’est 30 millions d’euros sur lesquels il ne peut en fait pas compter.

On évoque aussi des dépenses supplémentaires de 25 millions d’euros liées aux évolutions barémiques des enseignants. On cite encore un montant tournant autour de 125 millions qui concerne l’enseignement supérieur. Celui-ci aurait réalisé plus d’investissements que ce sur quoi le gouvernement comptait pour boucler son budget. Une liste non exhaustive, qui, au final, conduit les finances francophones à un déficit beaucoup plus grand qu’annoncé il y a quelques mois. La question sous-jacente étant : ce budget n’était-il pas trop optimiste ?

Quoi qu’il en soit, ce sont les politiques actuellement menées en Fédération Wallonie-Bruxelles qui risquent de trinquer et, plus inquiétant encore, les futures politiques prévues par la déclaration gouvernementale.

Pas de capacité fiscale

Le problème majeur des finances de la Fédération Wallonie-Bruxelles provient du fait que cette dernière ne dispose d’aucun levier fiscal pour générer des recettes supplémentaires. Une situation qui n’est pas neuve et qui, soyons de bon compte, est dénoncée depuis plusieurs années par certains élus. Il faut savoir que la Fédération Wallonie-Bruxelles est financée grâce à la loi spéciale de financement. Pour la modifier, ce qui n’est jamais simple, il faudrait un accord au niveau fédéral. Les dernières fois qu’on a touché à cette loi de financement, les francophones se sont retrouvés contraints d’accepter de négocier avec la Flandre le transfert de certaines compétences dans le cadre d’une réforme de l’état. Bref ce n’est pas de côté là que viendra la solution immédiate.

Le budget initial de la Fédération pour l’année 2025 s’articulait comme suit : 13 milliards de recettes pour à peu près 15 milliards de dépenses. Sur ces 15 milliards, l’Enseignement représente 10 milliards d’euros dont 7, 5 milliards sont destinés aux salaires. Et il semble clair que le gouvernement n’y touchera pas. Les marges de manœuvre sont donc réduites. On passerait donc d’une logique de rigueur budgétaire à une logique claire d’austérité. Les ministres vont devoir aller chercher partout les moyens nécessaires pour éviter que la dette écrase les finances de la Fédération déjà au plus mal. Autant s’y préparer sachant que les secteurs concernés par la Fédération Wallonie-Bruxelles sont déjà sur les dents (enseignement, culture, etc.).

Ainsi on voit mal comment les OIP – organismes parastataux comme l’ONE, WBI ou la RTBF, par exemple – ne seront pas touchés par d’éventuelles mesures visant à rectifier le tir. À l’heure où l’administrateur général de la chaîne publique vient de rédiger un plan d’économie, la nouvelle n’est évidemment pas très bonne pour la chaîne publique.

Il est également peu probable que le secteur de l’aide à la jeunesse et de la culture soient épargnées, pas plus, d’ailleurs, que la politique de rénovation des bâtiments scolaires. Le gouvernement pourrait aussi décider de sabrer encore dans ce qu’il reste de subventions facultatives – ces subventions laissées à la discrétion d’un ministre.

La réforme de l’Enseignement

L’une des questions qui se pose aussi aujourd’hui concerne la réforme de l’Enseignement prévue par le gouvernement et qui doit bouleverser les habitudes dans ce secteur. En effet, il s’agit d’en finir avec le système de nominations pour les futurs enseignants pour passer à un système de contractuels. Une manière pour le gouvernement de sécuriser l’entrée dans la profession et surtout le maintien de jeunes profs non-nommés qui connaissent parfois de longues périodes d’incertitudes. Un mécanisme qui pourrait coûter moins cher à long terme selon ce qu’avait évoqué la ministre Valérie Glatigny (MR) dans La Libre en septembre 2024. Elle précisait néanmoins que la coexistence des deux systèmes coûterait plus cher au début. Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles pourra-t-il se le permettre ?

Avec le passage de 3 à 4 ans d’études pour les profs qui passent par les écoles supérieures et non par l’université, une revalorisation barémique était prévue pour 2027, date de sortie de la première cohorte. Ce point pourrait ainsi être remis en question. On évoque aussi les enseignants détachés – qui travaillent ailleurs que dans une classe – qui représenteraient un coût important. Y mettre en partie fin pourrait permettre de récupérer quelques moyens. Précisons aussi que la gratuité scolaire qui doit être étendue dans les années qui viennent pourrait elle aussi être remise en question.

Une piste qui avait déjà été évoquée pourrait revenir sur la table du gouvernement francophone plus vite que prévu. Il s’agit de la participation financière des étudiants étrangers qui étudient dans une université francophone. Le minerval qui leur sera demandé pourrait être beaucoup plus cher à l’avenir.

Il reste désormais à attendre les mesures qui seront décidées lors du conclave. Il semble aussi évident que le prochain budget, celui qui concernera l’année 2026, sera peut-être encore plus compliqué à boucler.