En exclusivité, la ministre de l’Éducation Valérie Glatigny nous dévoile son projet sur le seuil de réussite aux examens.

Valérie Glatigny ne s’en est jamais cachée, le gouvernement veut relever le seuil de réussite des évaluations externes certificatives. Elle propose un avant-projet de décret au Gouvernement.

Pourquoi relever le seuil de réussite qui est à 50 % ?

On veut envoyer un signal qu’on n’envoie pas dans la suite du parcours scolaire, des élèves qui n’auraient pas maîtrisé les apprentissages. Notre déclaration de politique communautaire 2024-2029 affiche la volonté de porter à 60 % les seuils de réussite des épreuves externes certificatives à chaque étape importante de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire le CEB (certificat d’études de base) en fin de 6e, le CE1D en fin de 2e secondaire et le CESS (certificat d’enseignement secondaire supérieur) en fin de rhéto. On essaye de mettre en avant les valeurs de l’effort, du travail, du mérite et du plaisir d’apprendre des élèves. Mais c’est aussi pour marquer notre confiance envers les enseignants.

C’est-à-dire ?

Dans le projet de texte, on veut renforcer le rôle des jurys, l’autonomie des conseils de classe. En 15 ans, on a multiplié par deux les recours face aux décisions pédagogiques. Le conseil de classe va retrouver toutes ses prérogatives et son rôle décisionnel. Ça veut dire que si un élève n’a pas satisfait ou qu’il n’a pas pu participer à toutes les épreuves, il sera délibéré individuellement. La décision du jury ou du conseil de classe peut intervenir en se fondant sur le dossier de l’élève avec un rapport de l’instructeur, une copie des bulletins des deux dernières années, par exemple une copie des aménagements raisonnables.

Pour réussir le CEB, il faudra avoir 60 % pour l’ensemble des épreuves et un résultat minimum de 50 % pour chacune des matières évaluées (français, maths, sciences et éveil). Pour le CE1D, ce sera 60 % à chaque épreuve (français, maths, sciences et langues modernes). Pour le CESS, il faudra aussi un résultat minimum de 60 % à chaque épreuve (français et histoire).

Pourquoi cette différence de seuil entre le CEB et les deux autres évaluations ?

Quand on passe le CEB, on l’obtient ou pas. Pour Le CE1D et le CESS, il faut réussir l’épreuve externe, mais il y a aussi toutes les autres matières. On n’obtient pas son CE1D en juste réussissant les évaluations communes à tous. Il y a toutes les autres matières qui sont évaluées par les écoles. Il y a l’ensemble des disciplines de l’année d’études qui sont prises en compte.

Ce sera effectif pour quand ?

On propose un seuil rehaussé dès l’année scolaire 2026-2027 soit en juin 2027. ça donne un petit peu de temps aux écoles de se préparer quand même. Le tronc commun arrive en 6e primaire l’année prochaine, le Comité des évaluations nous ont recommandé d’attendre un an, le temps de laisser aux élèves et aux professeurs d’assimiler les nouveaux référentiels.

On doit veiller à ce que la rédaction des épreuves reste conforme au degré d’exigence actuelle. On ne va pas revoir à la baisse la difficulté des épreuves pour contourner l’augmentation du seuil de réussite. C’est le travail de la Commission des évaluations. C’est important qu’on puisse garder un niveau d’exigence parce qu’on sait que nous n’enregistrons pas de bons résultats aux enquêtes internationales. On voit bien qu’il est important d’avoir un seuil d’exigence qui reste élevé. Il faudra être particulièrement attentif à la rédaction des épreuves par la Commission des évaluations afin que ce ne soit pas une validation par principe. Une évaluation, c’est tout le contraire d’une violence éducative. C’est un service qu’on doit rendre à l’élève.

Quelle vérification du niveau d’exigence des épreuves existe-t-il ?

À ma demande, j’ai reçu une note méthodologique de mon administration. Nous allons être extrêmement attentifs au niveau, au degré d’exigence actuel. C’est fondamental. En post-Covid, il y a eu un appel à la bienveillance. Il faut maintenant retrouver un niveau d’exigence attendu par rapport aux apprentissages de base. On veut introduire un changement de stratégie chez les élèves et chez les enseignants aussi. Pour éviter que les difficultés ne se reportent à plus tard. On a des taux d’échecs en secondaire qui sont à la hausse avec des taux de redoublement en augmentation.

Beaucoup d’acteurs s’accordent à dire que les conditions de progression d’une année à l’autre sont parfois trop permissives. C’est une situation qui ne permet pas à tous les élèves de maîtriser les savoirs et les compétences, mais il faut aussi s’interroger sur la plus-value du redoublement. L’idée du seuil remonté, c’est vraiment passer le message qu’il y a un niveau d’exigence qui doit rester là pour éviter de reporter les difficultés, mais ça ne nous exonère pas de porter une réflexion fine sur le sens du redoublement. Un redoublement sans stratégie d’apprentissage pour accompagner l’élève n’a pas de sens. De la même façon, laisser passer un élève si on n’a pas mis en place quelque chose pour que les difficultés soient vraiment prises en charge, ça n’a pas de sens du tout. Aucune des deux logiques n’a de sens s’il n’y a pas une stratégie qui est mise en place. Aussi bien pour laisser progresser un élève que pour le faire redoubler, il faut que ça fasse sens.

Et cette stratégie-là, elle peut être mise en place quand on sait qu’il y a beaucoup d’élèves en classe et qu’on peine à mettre un prof dans chaque classe ?

Un texte avait déjà été adopté pour déployer 100 équivalents en temps plein supplémentaires en 6eprimaire pour de l’accompagnement personnalisé, et nous venons de voter en Commission de l’Education au Parlement, les moyens (près de 2 millions d’euros à l’ajustement budgétaire) pour mettre en œuvre cette mesure.

C’est une mesure qui doit être vue dans un ensemble de choses : on a interdit l’usage récréatif du smartphone pour cette rentrée-ci afin que l’élève se concentre mieux sur ses apprentissages. On est en train de mettre en place le test Clé (calculer, lire, écrire) pour la rentrée 2026 en début de 4e primaire qui donnera une photographie des acquis. On évalue les compétences et non les savoirs. Il n’y aura pas de points mais ça permettra de remettre le focus sur les apprentissages de base parce qu’on sait que ce qui n’est pas bien acquis à ce moment-là, est plus difficile à récupérer après. Le taux d’échec en BAC1 à l’université est de 60 % parce que les étudiants n’ont, souvent, pas les apprentissages de base.

Agir au plus tôt, ça commence dès la maternelle ?

Nous voulons continuer à renforcer l’enseignement dès les maternelles. On est en train d’étudier la possibilité de renforcer nos institutrices maternelles en mettant à disposition davantage de puéricultrices pour renforcer les apprentissages de base dès le plus jeune âge.