Ce lundi 27 janvier marque le début d’un mouvement de grève de deux jours dans l’enseignement. Parmi les motifs de cette action : la réforme du statut des profs (la fin annoncée des nominations pour les futurs enseignants) et du qualifiant. Concernant ce dernier, le texte a été voté au mois de décembre dernier. L’objectif est d’orienter les élèves vers d’autres acteurs en charge de la formation professionnelle. Cela aura pour conséquences, la fermeture de certaines filières.
La ministre de l’Éducation et de l’Enseignement de Promotion sociale en Fédération Wallonie-Bruxelles, Valérie Glatigny (MR), était l’invitée de la Matinale sur la Première pour répondre aux questions posées sur le dossier.
Poser les bases d’un rapport de force avec le gouvernement pour la négociation du statut
Deux jours de grève dans l’enseignement, cela n’était plus arrivé depuis les années 90. La ministre de l’Éducation se dit “peinée pour les pertes d’apprentissage pour nos élèves” en raison de cette mobilisation. Elle déplore également “les informations inexactes qui sont propagées, probablement pour faire peur et avoir plus d’adhésions d’enseignants”. Des actions aussi qui permettraient “de poser les bases d’un rapport de force avec le gouvernement pour la négociation du statut”.
Parmi “les beaucoup de choses inexactes” qui ont été dites, Valéry Glatigny cite l’exemple : “Le fait qu’après avoir obtenu un CESS (Certificat d’enseignement secondaire supérieur) de l’enseignement qualifiant on ne puisse plus aller dans l’enseignement supérieur. C’est évidemment tout à fait inexact.”
Comprendre la réforme
Afin de comprendre ce que contient la réforme du qualifiant (Décret-programme voté en décembre dernier), la ministre de l’Éducation donne l’exemple suivant :
Si un élève souhaite se lancer dans une 7e préparatoire mathématique avant de commencer ses études d’ingénieur, cela est tout à fait possible. Idem, si l’élève souhaite faire une 7e pour obtenir son CESS. “Donc, contrairement à ce que j’ai lu, les 7e professionnelles ne sont absolument pas impactées”.
Par contre, certaines options en 7e TQ (technique de qualification) pourraient être fermées. Parce qu’un élève (majeur) qui a déjà le CESS, “quelque part l’enseignement obligatoire a fait le job pour lui”. Si cet élève souhaite faire une formation complémentaire (une esthéticienne qui souhaite compléter sa formation avec des études de gestion pour ouvrir son institut, par exemple) elle sera dirigée vers l’enseignement pour adultes parce que 152 établissements proposent déjà cette formation.
Si l’objectif de la réforme est “avant tout pédagogique”, la ministre de l’Éducation précise qu’il s’agit aussi d’économies : “on ne finance plus deux fois la même formation”.
Un enseignement méconnu
L’enseignement pour adultes est “méconnu”, explique Valéry Glatigny. “Et je pense qu’il faut rappeler toute l’offre de formation incroyable qui existe là, avec des trésors de pédagogies spécifiquement pour des adultes”. Elle précise aussi que la moyenne d’âge dans les classes de cette filière est de 25-30 ans.
Il manque un cadastre
Difficile à l’heure actuelle de voir clair dans l’offre des différentes écoles, instituts, etc. Ce manque de cadastre fait, explique la ministre de l’Éducation, l’objet d’une réforme est mis en place avec la Région wallonne “et on espère bientôt avec la Région bruxelloise”. L’objectif est de redéfinir “qui fait quoi pour qui ?”.
La ministre ajoute qu’elle sera attentive “à ne pas casser des parcours d’élèves”. Près de deux millions d’euros ont été dégagés “pour informer les élèves adultes de toute l’offre de formation qui est encore disponible pour eux”.
Le tronc commun jusqu’en troisième à partir de 2028
Le contexte actuel s’inscrit aussi dans la réforme du tronc commun. À partir de 2028, les élèves auront une formation commune jusqu’en troisième secondaire avec une grande quantité de cours généraux. Ce n’est qu’après cette troisième secondaire que les différenciations de filière auront lieu entre le général et le qualifiant. Ces changements peuvent-ils aussi expliquer la grogne actuelle ? “Je pense que ce n’est pas lié à la mesure que nous venons de prendre”, répond Valéry Glatigny. Elle rappelle qu’elle n’est à son poste actuel que depuis six mois.
“Il y a probablement une crainte par rapport à l’allongement du tronc commun et l’arrivée en troisième secondaire de davantage de cours généraux et moins de cours techniques.” Elle précise que cette réforme a été demandée par des acteurs de l’enseignement en 2017. “Je remarque qu’il y a un soutien aux principaux axes du pacte (Pacte pour un Enseignement d’excellence) qui est en train de s’effilocher.”
Plus de cours généraux jusqu’en troisième secondaire, veut aussi dire moins de cours techniques et donc des suppressions de postes pour les professeurs qui donnent ces cours. “Je pense en effet qu’il y a une anticipation de profs du technique qui est derrière le mouvement de grogne qu’on entend ces deux jours-ci.”
Les écoles ont-elles anticipé ces pertes d’emplois en créant des 7e de spécialisation ? “On peut en effet s’interroger sur l’explosion des 7e TQ sur cinq ans. On est passé de un à seize. Donc, il y a vraiment une explosion de 7e TQ, probablement en anticipation de l’arrivée du tronc commun en troisième secondaire.”
Le MR s’est toujours opposé à l’allongement du tronc commun. La ministre de l’Éducation pourrait-elle remettre en question cette mesure faisant partie du Pacte pour un Enseignement d’excellence ? La question est prématurée, dit-elle. Mais, elle sera attentive aux signaux provenant des acteurs de l’enseignement.
Par Miguel Allo
sur la base d’une interview de
Thomas Gadisseux
La Première