A la veille de 48 h de grève, le gouvernement ouvre la porte aux syndicats et aux pouvoirs organisateurs. Ils sont invités à négocier les tenants et aboutissants des réformes touchant au métier d’enseignant : statut, CDI, charge horaire, formation, barème, mobilité entre réseaux… Il n’y aurait pas de tabou.
Défaut de concertation ! Les syndicats – et dans une moindre mesure les pouvoirs organisateurs des écoles – le répètent dans toutes les langues : s’ils sont fâchés aujourd’hui c’est parce qu’ils ont l’impression qu’on leur vend une réforme de l’école (qualifiant, fin de la nomination…) clef sur porte, sans marge de manœuvre. Cette semaine, Elisabeth Degryse, ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Les Engagés) et Valérie Glatigny, ministre de l’Education (MR) les ont pris au mot : ils sont invités à intégrer quatre groupes de travail chargés de fixer toute une série de mesures pour revaloriser le métier d’enseignant, moderniser le statut et lutter contre la pénurie. Objectif : définir un plan d’action pour la fin de cette année avec de premières mesures à la rentrée 2026.
A en croire la note d’intention du gouvernement que Le Soir a pu consulter, la marge de manœuvre est large, syndicats et pouvoirs organisateurs pourront effectivement discuter de beaucoup, beaucoup de choses.
Statut
Le menu du premier groupe de travail est déjà en soi un plat de résistance : harmoniser les statuts des membres du personnel enseignant entre les différents réseaux d’enseignement pour « favoriser la mobilité professionnelle au sein de la Communauté française et stabiliser les enseignants en début de carrière ». Il est question ici d’uniformiser les bases légales réglant les statuts des enseignants dans les différents réseaux, question aussi d’harmoniser les critères de calcul de l’ancienneté, de standardiser les processus de recrutement et de nomination, de redéfinir les textes réglant les « titres et fonctions » pour favoriser les réaffectations et la mobilité entre les réseaux. Et ce n’est pas tout, on va en profiter pour se pencher sur les barèmes, notamment cette question cruciale du futur salaire des enseignants formé en quatre ans (à partir de 2027), mais aussi celle du niveau de rémunération des directions et des conditions d’octroi du barème 501 (le master 120 ne suffirait plus, il y aurait des missions spécifiques). Enfin, il appartiendra aux syndicats, aux pouvoirs organisateurs, aux experts et aux politiques de mener une analyse comparative des forces et faiblesses respectives de la nomination et du projet de CDI.
L’image de l’enseignant
Avec en ligne de mire la lutte contre la pénurie, il sera aussi question de « redéfinir le rôle de l’enseignant tant au niveau des écoles qu’au niveau des enjeux du XXIe siècle en veillant à mettre le sens du métier au centre de cette définition ». En quelques mots comme en cent, c’est l’image de l’enseignant qui est au centre du jeu avec la « création d’une communication moderne et réfléchie sur le métier d’enseignant », l’amélioration des conditions de travail, la formation des enseignants de seconde carrière, l’examen des bonnes pratiques dans d’autres pays ou régions comme le projet Onderwijsbrug (professeur invité) en Flandre.
L’organisation du métier
On va regarder sans tabou le temps de travail réel des enseignants (une enquête est lancée sur le sujet), avec une attention aux conditions de travail et au mal-être dans un contexte post-covid. Et si des différences importantes de charges apparaissent « des mécanismes d’ajustement seront proposés ». Le même groupe de travail aura pour mission de faire des propositions pour alléger la charge de cours des enseignants à partir de 55 ans (avec un accompagnement des jeunes collègues ou des missions du service à l’école). Pour mission aussi de réviser les mécanismes de formation en cours de carrière et surtout d’améliorer les conditions de travail afin de réduire le nombre et la durée des mises en disponibilité et congés pour maladie. « Il réfléchira également à des mesures d’accompagnement pour les enseignants malades de longue durée afin de favoriser leur retour à l’école (éventuellement avec réorientation vers d’autres fonctions). En outre, il évaluera le système actuel des congés pour mission afin de voir comment concilier ceux-ci avec le problème de la pénurie dans l’enseignement. » De même, il examinera la possibilité de créer une « fonction générique d’appui pédagogique ou d’assistants d’enseignement ». Il s’intéressera également aux innovations pédagogiques et organisationnelles susceptibles d’améliorer les conditions de travail des enseignants : accompagnement personnalisé, développement des pratiques de co-enseignement, travail autonome des élèves encadrés par des assistants d’enseignement ou avec le soutien d’outils numériques…
La formation initiale
Le dernier groupe de travail fait le pari de réduire la pénurie et d’améliorer la qualité de l’enseignement en « renforçant la formation des enseignants débutants et l’attrait de l’enseignement pour des personnes en réorientation professionnelle ». Dans ce cadre, il s’intéressa au contenu de la formation initiale et du master de spécialisation ainsi qu’à la formation pédagogique des enseignants de seconde carrière.
Vrai ou faux dialogue ?
On le voit les marges de discussion seront très larges… Reste à vérifier quelles seront les marges de manœuvre réelle. Les syndicats rejoindront ces groupes confirment-ils au Soir, par contre ils sont circonspects. « Nous participerons et chacun se fera son opinion », nous indique Roland Lahaye, leader de la CSC-Enseignement. « On n’ira pas juste pour être écoutés, il faudra une vraie place pour la discussion. On verra vite s’il s’agit d’un faux dialogue », appuie son collège Luc Toussaint à la CGSP. « En tout cas, nous n’accepterons pas un simulacre de concertation. »
Info « Le Soir » – Chef du pôle Société
Par Eric Burgraff