Avec un million d’euros débloqué et un décret attendu pour septembre, la Fédération Wallonie-Bruxelles entend renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur. Elisabeth Degryse (Les Engagés) détaille au « Soir » son plan d’actions.

La Fédération Wallonie-Bruxelles s’apprête (enfin) à présenter ses perspectives budgétaires pour 2025, après la découverte d’un trou de 336 millions d’euros. Cela n’a pas empêché le gouvernement MR-Engagés de s’accorder pour dégager un petit million d’euros en faveur de la lutte contre le harcèlement, les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans l’enseignement supérieur. « Une priorité », martèle Elisabeth Degryse (Les Engagés) depuis le début de son mandat à la tête de la Fédération. Une priorité qu’il reste à concrétiser.

Celle qui a en charge le Budget et l’Enseignement supérieur vient de présenter une proposition de résolution à partir des pistes émises par les acteurs de terrain. « Il s’agit évidemment d’un plan d’actions idéal. Nous sommes bien conscients qu’il existe des contraintes budgétaires qui nous forcent à faire des choix. Aujourd’hui, les points de contact “harcèlement” ne sont pas financés. Avec ce million, notre souhait est de leur apporter un soutien complémentaire. » A noter que le financement est prévu pour trois ans.

Dans le prolongement de l’étude Behaves, qui a dressé un état des lieux des VSS dans l’enseignement supérieur, des groupes de travail se sont formés par type d’établissement (universités, hautes écoles et écoles supérieures des arts). Ils ont notamment rassemblé les points de contacts “harcèlement”, des représentants de l’Ares, de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, d’Unia, de la FEF ou encore du réseau de prévention harcèlement. « Les échanges ont confirmé l’importance d’un socle de balises et de dispositifs communs à l’ensemble des établissements afin de garantir une égalité de traitement entre les étudiantes et les étudiants », peut-on lire dans la note. « Il n’est pas concevable qu’une étudiante ou un étudiant ne puisse pas bénéficier de la même prise en charge en fonction de son établissement ou de sa localisation. »

Des structures externes aux établissements

Conformément aux recommandations du terrain, le gouvernement MR-Engagés prévoit de renforcer le cadre légal existant via la création d’un statut de protection pour les étudiants. « Lorsque vous êtes un travailleur, vous êtes protégé par la loi du bien-être au travail. Pour les étudiants, il n’existe aucune protection équivalente », déplore Elisabeth Degryse. Un décret est donc prévu « pour septembre prochain au plus tard ».

Ce texte devra apporter une définition claire des différentes formes de violence, engager les établissements à former leurs personnels et renforcer l’accompagnement des victimes. « Les règlements généraux des études et les règlements d’ordre intérieur devront être adaptés », affirme Elisabeth Degryse. « Il est essentiel de clarifier les mécanismes de signalement et les mesures disciplinaires en tenant compte des réalités statutaires. » Avec des sanctions à la clé pour les établissements qui ne respecteraient pas le décret ? « Ce n’est pas prévu. En revanche, notre volonté est de tendre vers une harmonisation parce qu’effectivement, les réalités de terrain restent très inégales. »

Un second axe d’action porte sur le renforcement des points de contact « harcèlement » et leur mise en réseau. « Accueillir la parole d’étudiants ou d’étudiantes en détresse, victimes d’agressions, peut être lourd à porter. Cette mise en réseau permet à ces référents de bénéficier d’une forme d’intervision et d’échanges entre pairs, notamment lors d’une journée dédiée. »

Enfin, la ministre de l’Enseignement supérieur plaide pour la création de structures externes aux établissements, destinées à recueillir la parole des victimes. « Il ne s’agit pas d’une deuxième ligne », assure-t-elle. « L’objectif est d’offrir un espace d’écoute alternatif aux étudiants qui n’oseraient pas s’adresser à une personne liée à leur établissement. »

Toutefois, de nombreux points évoqués dans ce plan d’actions ne figuraient pas dans la proposition de résolution déposée par des députés de la majorité MR-Engagés ce lundi en commission. « On ne peut pas permettre qu’il y ait des règles qui s’appliquent uniquement à l’enseignement supérieur », a d’ailleurs souligné Nicolas Tzanetatos (MR), député de la majorité.

Un texte déposé par l’opposition

Au parlement, le groupe socialiste a déposé en amont une proposition de décret visant à prévenir et lutter contre toutes les formes de harcèlements et de discrimination. Le texte sera débattu en commission ce lundi. Les intentions y sont similaires : la création dans chaque établissement d’une commission interne et indépendante chargée de traiter les dossiers, une procédure de signalement claire et la création d’une cellule de coordination chargée notamment de statuer sur d’éventuels recours.

La Fédération des étudiants francophones (FEF) se réjouit de voir la majorité comme l’opposition s’emparer de cette problématique. « La question du harcèlement et des VSS est primordiale », appuie Adam Assaoui, président du syndicat étudiant. « Les témoignages que nous recevons sont édifiants, que l’auteur soit un étudiant ou un professeur. Ces violences peuvent briser l’étudiante ou l’étudiant qui en est victime. »

La FEF indique avoir été consultée tant par le gouvernement que par le parti socialiste. « On attend désormais avec impatience la proposition de décret du gouvernement, mais elle devra être financée à hauteur des enjeux. Le texte du PS est déjà très ambitieux. On espère que celui d’Elisabeth Degryse le sera encore plus. »

Journaliste au pôle Société

Par Charlotte Hutin