Un bulletin vide remis aux élèves : la mesure forte de cette école de Louvain-la-Neuve pour protester contre les mesures de la ministre Glatigny, « la Fédération Wallonie-Bruxelles met à mal la qualité de notre travail » – SUDINFO

Pour le Lycée Martin V de Louvain-la-Neuve, c’était la meilleure façon de sensibiliser les parents aux coups que les mesures de la ministre de l’Éducation porteraient à leurs conditions de travail. Valérie Glatigny dit qu’elle mènera une réflexion quant à d’éventuelles sanctions possibles.

On le sait, ce n’est pas l’amour fou entre la ministre de l’Éducation, Valérie Glatigny (MR) et les acteurs de l’enseignement qui lui reprochent, entre autres, des économies, la déconstruction, à leurs yeux, du Pacte pour un enseignement d’excellence, l’imposition de deux heures de travail supplémentaire pour les enseignants de secondaire supérieur ou la fin prochaine des nominations d’enseignants.

Ils ont déjà manifesté et fait grève contre ces mesures et il y a fort à parier que ce sera rebelote mardi et mercredi prochain, pour une majorité d’entre eux en tout cas.

Protestation

Au Lycée Martin V de Louvain-la-Neuve, on a eu l’idée d’exprimer la protestation de façon assez peu habituelle, en remettant aux élèves un… bulletin blanc ou vide. C’était le premier de l’année et plus d’un élève ou parent attendait le document avec impatience. « Comment être en mesure de vous remettre des résultats scolaires quand la Fédération Wallonie-Bruxelles met à mal la qualité de notre travail ? », interroge le courrier qui accompagnait ce bulletin. « Les conseils de classe ont eu lieu, les bulletins ont été remplis, mais nous avons décidé de postposer leur remise en signe de protestation. Aujourd’hui, nous vous rendons donc un bulletin blanc, un espace vierge pour repenser, avec vous, ce que nous voulons offrir à vos enfants. Par cette lettre, nous aimerions vous communiquer ce qui se passe vraiment dans les écoles et l’impact potentiel des mesures annoncées sur la vie de vos enfants afin de réfléchir avec nous à d’autres possibles. »

« Nous avons hésité et bien réfléchi aux répercussions. Les inquiétudes de l’équipe devaient être exprimées, on a mené l’action de façon nuancée et cadrée »
L’équipe de direction du Lycée Martin V
 

Ce n’est que l’entame d’une lettre plutôt longue. Les parents ont, entre-temps, reçu un mail où on leur annonce que le bulletin leur sera remis dans neuf jours, « car, par cette action, les enseignants ne cherchent ni à se soustraire à leurs tâches et fonctions, qu’ils et elles continuent d’exercer avec le professionnalisme qui est le leur, ni à prendre les élèves en otages », expliquent les membres du personnel et la direction du Lycée Martin V.

Pour en revenir à la lettre, ils expliquent encore pourquoi ils ne veulent pas de l’école que leur propose la ministre. « Nous risquons également d’être beaucoup moins disponibles pour accompagner vos enfants individuellement », poursuivent-ils. « Les différents mouvements de grève qui ont eu lieu alertent la société des coups portés aux conditions de travail des enseignants et par conséquent au bien-être des élèves (…) La ministre touche considérablement au temps et aux moyens que nous pourrons consacrer à vos enfants. »

Sensibilisation

Nous avons interpellé l’équipe de direction du Lycée Martin V à propos de cette action qui a pu choquer certains parents qui sentaient, disaient-ils, leur(s) enfant(s) un peu pris en otage. « Dès le lendemain matin de l’action, parents et élèves ont été prévenus que les bulletins ont été préparés et seront bientôt remis, ces nouvelles échéances les ont rassurés », explique l’équipe de direction qui reconnaît que certains parents ont exprimé leur mécontentement. « Mais nous avons accueilli des réactions de soutien et d’encouragement, provenant d’élèves et de parents. Parce que nous avons « retardé » et non annulé le bulletin et avons utilisé cette action pour ouvrir au dialogue… »

On peut se demander si c’était réellement la seule manière d’arriver à ce résultat : « La volonté de l’équipe, c’était de sensibiliser aux problèmes et questions soulevées et d’inviter au dialogue. Nous avons hésité à impliquer les enfants de cette manière et avons bien réfléchi aux répercussions. Les inquiétudes de l’équipe devaient être exprimées, nous avons donc décidé de mener l’action, mais de façon nuancée et cadrée, en tenant compte de l’âge des enfants. »

« Mon cabinet mènera une réflexion quant à d’éventuelles sanctions possibles contre ce genre d’initiatives qui pénalisent les élèves »
Valérie Glatigny, Ministre de l’Éducation
 

Qu’en pense la ministre de l’Éducation ? « Je regrette ce genre d’initiative », réagit Valérie Glatigny. « Les enseignants ont d’autres moyens à leur disposition pour porter leurs revendications (par exemple, dans le cadre des réunions de concertation régulières) qu’un moyen qui revient à impacter la qualité des apprentissages des élèves. »

La ministre dit qu’elle a été interpellée par des parents qui considèrent ces actions comme une forme de prise d’otage de leurs enfants. « Je regrette que la remise des bulletins, ce moment d’information crucial pour les apprentissages de nos élèves, entre les enseignants et les parents, soit dévoyée de la sorte. Mon cabinet mènera donc une réflexion quant à d’éventuelles sanctions possibles contre ce genre d’initiatives qui pénalisent les élèves. »

Le bulletin est un outil pédagogique important et les écoles ont le devoir d’informer les parents, poursuit-elle. « Conformément à l’article 1.7.3-5, §1er, al. 1erdu Code (de l’enseignement, NdlR), la Commission peut être saisie, entre autres, par un particulier, une association de parents, un pouvoir organisateur (après débat au sein du conseil de participation), une fédération de PO ou par la ministre. Elle peut ensuite se pencher sur la question de la violation éventuelle de l’article 1.7.3-4 qui interdit toute action de propagande politique dans les écoles. »

Les parents entre surprise et colère

Par D.SW.

Ce ne sont que deux réactions, mais elles montrent que tous les parents n’ont pas apprécié l’initiative des enseignants et de la direction du Lycée Martin V.

L’initiative du Lycée Martin V n’a visiblement pas été appréciée par tous les parents. « C’est dingue, ils ont eu une semaine pour faire le conseil de classe et pour en arriver à ça ? », s’est interrogé ce parent qui propose que les élèves fassent la même chose à la prochaine évaluation. Il ignore si cela se fait ailleurs mais se dit néanmoins un peu choqué. « Tout comme mon fils qui était en plus content de nous montrer son bulletin car il avait de beaux points. Ses potes sont un peu choqués également. »

Le fiston devra donc patienter encore une petite dizaine de jours avant d’avoir ce plaisir. Un autre papa s’est fendu d’une réaction cinglante, allant dans le même sens, sur les réseaux sociaux : « Je suis un papa qui se bat chaque jour pour que ses enfants apprennent, existent, s’épanouissent dans leurs cours et réussissent au mieux (…) Nous avons attendu ce bulletin avec confiance, avec patience, avec espoir et nous recevons un bulletin vide. Peu importent les raisons, c’est cata. Je peux respecter les profs, comprendre certains griefs, mais ça, c’est tout simplement immonde pour tous les élèves qui se sont battus et les parents qui les ont accompagnés. »

 

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