Santé mentale en crise, précarité grandissante et dangers numériques : le Délégué général aux droits de l’enfant alerte sur une situation préoccupante – BX1

À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, le Délégué général, Solayman Laqdim, publie son rapport. Celui-ci dresse un portrait alarmant de la situation des enfants en Fédération Wallonie-Bruxelles. Santé mentale en chute libre, exposition accrue aux risques numériques, montée de la précarité : tous les voyants sont au rouge.

La santé mentale, première alerte d’une génération sous tension est d’ailleurs le fil rouge du rapport. En effet, malgré les multiples actions menées ces dernières années, la santé mentale des jeunes continue de se dégrader. Les chiffres parlent d’eux mêmes. Un jeune sur six présente un trouble psychique avéré, 10% ont déjà tenté de se suicider ou se sont automutilés et enfin, plus d’un tiers des élèves du secondaire souffrent d’un faible bien-être émotionnel.

Si à l’école, les enseignants sont souvent les premiers témoins du malaise, ils sont aussi les premiers démunis. Manque de formation, pénurie de professionnels spécialisés, établissements saturés : un système qui montre ses limites. Sur ce volet, le Délégué général appelle à un “virage massif vers la prévention”, avec davantage de psychologues dans les écoles, une formation systématique du personnel éducatif et des environnements plus bienveillants.

 

 

Numérique : un espace devenu “incontrôlable” pour les enfants

 

Le rapport insiste également sur le rôle central du numérique dans la vie des jeunes. Si celui-ci offre des opportunités d’expression et de lien social, il expose aussi à une violence particulière : harcèlement, contenus choquants, sollicitations sexuelles, diffusion d’images intimes, souvent générées ou modifiées par l’intelligence artificielle.

Selon des études, citées dans le rapport, dans le monde, plus d’un enfant sur deux a déjà été victime de violences sexuelles en ligne. Le DGDE réclame : une régulation plus stricte des plateformes, des outils de signalement réellement efficaces, une éducation au numérique intégrée dès le primaire et enfin, une mobilisation massive des parents, souvent dépassés par la rapidité des évolutions technologiques.
 
“Les droits de l’enfant s’appliquent aussi en ligne”, rappelle le Délégué, dénonçant un retard chronique dans la protection numérique.
 
 

Précarité et sans-abrisme : des enfants laissés à la rue

 

Autre constat : la situation sociale des enfants s’aggrave également. Le rapport révèle que 6.882 mineurs sont en situation de sans-abrisme en Fédération Wallonie-Bruxelles, un chiffre qualifié de “dramatique”. Pour la première fois, des familles avec enfants ont été refusées en maison d’accueil, faute de places disponibles. Certaines structures refusent même d’héberger des garçons adolescents pour des raisons internes, poussant donc des mères à choisir entre la rue et … la séparation. Une réalité que le Délégué qualifie “d’inacceptable”.

Parmi ses recommandations, on peut noter : augmenter les capacités d’accueil, préserver les familles à tout prix, renforcer la coordination entre les secteurs du sans-abrisme et de la jeunesse.


« Aucun enfant ne devrait dormir dans la rue »

 

Même son de cloche du côté du Samusocial, qui lance un appel pressant : une personne hébergée sur quatre est un enfant. Chaque soir, près de 500 personnes en famille sont hébergées dans ses centres. Parmi elles, des nourrissons, des enfants, des adolescents. Depuis janvier, ce sont 996 enfants et 604 mineurs non accompagnés qui y ont trouvé refuge.

 

 

Le Samusocial déplore un système qui sature : 6.709 autres demandeurs, parmi lesquels 1.884 familles, ont dû être refusés faute de places. “Pour certaines, nous sommes le dernier filet avant la rue”, alerte l’organisation.

Près de 70% des familles accueillies sont composées de mères seules, dont beaucoup ont fui des violences conjugales ou intrafamiliales. Un phénomène sociétal en hausse. “Les chiffres sont considérables, on est sans voix”, confie Pierre Hublet, directeur opérationnel du Samusocial.

► Revoir | l’interview complète de Pierre Hublet  

Celui-ci alerte : les centres ont été pensés pour quelques jours, et accueillent parfois des familles pendant des mois. Espaces exigus, absence d’intimité, impossibilité de cuisiner ou de maintenir des rituels familiaux, les conditions ne sont pas idéales pour le bon développement des enfants. 

Depuis janvier 2025, 150 bébés de moins d’un an, dont 28 sortant directement de maternité, ont dormi dans les centres du Samusocial. Une situation d’autant plus préoccupante que l’accueil n’est pas adapté aux tout-petits. Si une Cellule Petite Enfance tente de combler les lacunes, les moyens restent limités. 



■ Extrait de l’interview de Pierre Hublet du Samusocial dans Bonjour Bruxelles (17/11)

Le Samusocial appelle les pouvoirs publics à agir, et rapidement à travers plusieurs mesures : renforcer l’accompagnement des femmes victimes de violences et leurs enfants, adapter les centres aux besoins spécifiques des mineurs, soutenir la scolarité des enfants hébergés et financer durablement des dispositifs adaptés à la petite enfance. 

“Aucun enfant ne devrait dormir dans la rue. Tant que cela arrive, nous avons collectivement échoué.”

Avertissement politique : des droits de l’enfant « fragilisés »

Si le rapport du Délégué fait un état des lieux, il pointe aussi plusieurs décisions politiques récentes comme de véritables reculs pour les droits de l’enfant. Dans son viseur : la restriction du regroupement familial pour les mineurs non accompagnés protégés. Il dénonce “une instrumentalisation dangereuse” de ce principe fondamental. Et la volonté de modifier le secret professionnel, en imposant l’obligation pour les travailleurs sociaux de signaler certaines infractions. “Le pire scénario serait que des victimes n’osent plus parler”, avertit le rapport.  

Concrètement, face à ces constats dressés dans le rapport, le Délégué formule une série de recommandations fortes : investir massivement dans la santé mentale, renforcer la protection en ligne, lutter structurellement contre le sans-abrisme familial, garantir une école inclusive, protéger le secret professionnel et replacer l’intérêt supérieur de l’enfant au coeur de chaque décision politique. 

Le rapport sera remis ce mardi 18 novembre au Président du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, au coeur d’une matinée consacrée aux droits de l’enfant, en présence de nombreux jeunes. 

E.D

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