« QR le débat » est revenu hier sur l’ajout de deux périodes supplémentaires face classe pour les professeurs de l’enseignement secondaire supérieur. Deux heures de cours non rémunérées qui auront un impact significatif sur le nombre d’heures travaillées des professeurs concernés.
Deux périodes de cours supplémentaires par semaine pour harmoniser l’agenda des enseignants du secondaire supérieur et des enseignants du secondaire inférieur, voilà l’une des mesures phares du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Au total, tous les professeurs du secondaire diplômés depuis plus d’un an devront prester 22 périodes par semaine face classe dès 2027. « On va augmenter la charge horaire de deux périodes de 50 minutes, ce qui veut dire que nous allons passer de 16,6 heures face classe à 18,3 heures« , rappelait la ministre de l’Enseignement supérieur en FWB, Valérie Glatigny (MR). « Ce que nous allons mettre en place, c’est une égalité avec les profs du secondaire inférieur, en sachant que les professeurs du secondaire supérieur gagnent 25% de plus et qu’au niveau de l’OCDE, nos profs du secondaire supérieur travaillent 30% de moins face classe.«
Note éditoriale : le cabinet ministériel nous a confié s’être basé sur l’analyse des données de l’OCDE de 2021 pour affirmer que les professeurs du secondaire supérieur travaillent 30% de moins face classe que la moyenne de l’OCDE. Le différentiel négatif cette année s’élevait en réalité à 24% cette année-là. En 2022, il ne s’élevait plus qu’à 14% et 9,87% en 2024.
Marie-Françoise Lefebvre est enseignante dans le degré supérieur. Pour elle, cette mesure n’a rien d’équitable. « En ce qui me concerne, deux heures supplémentaires c’est deux classes. Donc, 50 élèves de plus. 100 par an de plus, autant d’encodages, de mails, de réunions. Donc quand j’entends ma ministre qui explique que ce n’est que deux fois 50 minutes, c’est dévalorisant« , explique-t-elle sur le plateau de « QR le débat ». Pour elle, passer deux périodes de plus devant les élèves implique en réalité 4 heures de travail supplémentaires. « Pourquoi prestais-je 20 heures et mes collègues de l’inférieur 22 heures ?« , questionne-t-elle. « Par équité. Parce que les matières enseignées dans le secondaire supérieur sont plus complexes« , ce qui implique un temps de préparation des cours et un temps de correction plus important. « Une dissertation de trois pages mettra plus de temps à corriger qu’une dissertation d’une page. Il en va de même avec les problèmes de mathématiques. La mesure me paraît donc insurmontable.«
« On décide d’augmenter toute une catégorie du personnel les tâches qu’ils ont à effectuer de 10%. Ce qui veut dire que les enseignants qui travaillaient à temps plein du lundi au vendredi devront travailler le samedi matin en plus« , ajoute Luc Toussaint, le président CGSP Enseignement. Selon lui, la charge de travail supplémentaire se répercutera sur la qualité de l’enseignement. Les premiers punis seront les élèves.
Un enseignant sur cinq est payé par de l’emprunt
Outre le fait de devoir travailler deux périodes de plus sans être payés, les professeurs craignent pour l’emploi de leurs jeunes collègues. « Nous avons un taux de remplacement actuel dans le secondaire supérieur de 2170 équivalent temps plein. La mesure pourrait coûter 1300 équivalents temps plein donc on voit bien que nous aurons toujours besoin de beaucoup plus d’enseignants, en particulier dans le secondaire supérieur« , rassure la ministre de l’enseignementsupérieur en FWB Valérie Glatigny. « Je rappelle aussi que l’an prochain, c’est l’année durant laquelle nous n’aurons pas d’enseignants qui vont sortir des études puisque c’est l’année où ils seront formés en 4 ans. Donc il y aura une demande d’enseignants très importante donc il est très peu vraisemblable qu’il y aura des pertes d’emploi. Il y aura un peu plus de réaffectations, ça c’est vrai, mais on va se tenir aux côtés de nos directions et de nos enseignants pour cela« .
« Ce qui est très important de dire aussi« , ajoute-t-elle, « c’est que pour l’instant, la situation budgétaire dans laquelle nous sommes est une situation où un salaire de prof sur cinq est payé par de l’emprunt. C’est intenable. Il faut que l’on trouve la maîtrise pour à termes réinvestir dans l’école.«
Les réseaux sont un grand gaspillage
Marie-Françoise Lefebvre, enseignante
Pour Marie-Françoise Lefebvre, l’une des manières de trouver la maîtrise aurait plutôt été de refinancer la Fédération et supprimer le système de réseaux scolaires. « Le problème, c’est que nous travaillons dans une enveloppe fermée« , affirme-t-elle. « A chaque réforme, il y a donc toujours des perdants et ces perdants, ce sont les enseignants et les élèves. Je pense qu’il y a certainement des moyens de faire des économies même si avant tout, il doit y avoir un refinancement. Je pense que les réseaux sont un grand gaspillage. Ils empêchent les écoles de collaborer entre elles, démultiplient les structures, augmentent l’administratif et coûtent des montants considérables qui ne profitent pas aux élèves. Quand vous êtes nommés dans un réseau et que vous perdez des heures parce qu’il y a un mouvement d’élève, vous ne pouvez pas compléter dans l’école d’à côté si elle n’est pas dans votre réseau.«
« Nous sommes absolument ouverts à la question. Chacun doit être conscient que donner cours dans l’officiel ou dans l’enseignement libre catholique par exemple, c’est admettre le principe du projet pédagogique qui est porté dans l’un comme dans l’autre« , soutient Alexandre Lodez, secrétaire général au SeGEC, le syndicat de l’enseignement catholique.
« Ces discussions ont déjà lieu avec la ministre de l’Education« , informe la ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Elisabeth Degryse (Les Engagés). « C’est aujourd’hui effectivement un frein face au coût des réseaux, même s’il y a des nuances à apporter, face à des réalités démographiques où on va avoir de moins en moins d’élèves, donc on doit pouvoir travailler sur des collaborations ou des renforcements« .
Les jeunes profs et les plus âgés revalorisés
« Je voudrais aussi rappeler d’autres mesures« , ajoute Elisabeth Degryse. « Nous avons par exemple décidé que l’ensemble des enseignants qui seront dans leur première année d’enseignement, peu importe le niveau, auront deux heures faceclasse en moins puisque l’on sait que la première année est souvent compliquée. La mesure est la même pour les enseignants de plus de 60 ans« .
Par ailleurs, « nous avons aussi pris une mesure pour revaloriser le salaire des directions dans le fondamental, là où les directeurs font tout pour un salaire qui jusqu’à maintenant, n’était pas très valorisé. Nous avons aussi décidé 5% de revalorisation barémique pour ceux qui sortent de la formation en quatre ans sans heure supplémentaire dans leur horaire dans le fondamental et dans le degré inférieur. Toutes ces mesures, aussi petites soient-elles montrent que notre préoccupation est aussi dans la carrière des enseignants et la lutte contre la pénurie.«
Enfin, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles assure aux futurs jeunes diplômés un CDIE, « soit un contrat à durée indéterminée sur mesure pour les jeunes enseignants car on sait qu’un jeune enseignant sur trois va quitter le métier dans les 5 ans parce qu’il n’a pas de perspective stable« , conclut Valérie Glatigny.

