L’école sera, au moins partiellement, à l’arrêt ce lundi. Les réformes de la majorité Azur hérissent les profs. Mais au-delà de ces motifs de mécontentement, c’est un malaise plus profond qui agite le monde de l’enseignement.
Evénement majeur mais, rétrospectivement, pas si rare que cela : une partie des enseignants seront en grève ce lundi. A l’instar d’autres catégories socioprofessionnelles, le monde de l’école vit mal les réformes avancées par les coalitions de centre-droit, qu’elles se nomment Azur ou Arizona.
Réforme de l’enseignement qualifiant, charge de travail en hausse pour les professeurs titulaires d’un master, réduction de la durée des DPPR, diminution des moyens affectés à la gratuité, dotation non indexée, perspectives de pertes d’emploi… La liste non exhaustive des mesures qui touchent l’école permet de mesurer la colère qui gronde dans les classes. Avec un peu de recul, on se dit que le malaise exprimé ce lundi dépasse la contestation de ce programme de réforme. Pour s’en convaincre, il suffit de se plonger dans la chronologie des différents conflits qui ont agité l’école depuis la fin des années 80. On constate alors qu’une série de questions n’ont jamais trouvé de réponses et restent à ce jour en suspens.
La première concerne le statut du prof et, plus encore, du pédagogue dans la société. Au fil du temps, il a subi un déclassement. Autrefois respecté, l’enseignant a vu son prestige social pâlir, comme l’encre sur une page restée au soleil durant les vacances d’été. Les élèves, les parents et, plus encore, la classe politique ont contribué à cela, par leur attitude ou leurs choix. Les conditions de travail se sont détériorées, la charge de travail s’est alourdie et les nombreuses réformes qui ont agité l’école ces dernières années n’ont, au mieux, rien changé et, au pire, aggravé la situation. Rien de surprenant à ce que cette fonction apparaisse désormais dans la liste des métiers en pénurie et que le nombre d’abandons de la profession reste élevé dans les cinq premières années de la carrière. Quel projet pour l’éducation et quelle place doit prendre celle-ci dans le projet de société que l’on défend ? L’école parvient-elle à former des futurs étudiants, des travailleurs productifs et des citoyens dotés d’un esprit critique ? A la vue du taux d’échec en début d’enseignement supérieur, du nombre de jeunes sans qualifications ou diplôme, on peut se poser la question. Et devant des adolescents vulnérables face aux dérives de l’intelligence artificielle et des fake news, trop peu sensibilisés aux enjeux climatiques et démocratiques, on est en droit de s’interroger. L’école, lieu de transmission des savoirs, est devenue le réceptacle des évolutions de la société et des tensions en son sein. Sans y être préparée et sans disposer des moyens pour gérer cela.
Enfin et surtout, les difficultés actuelles de l’école interpellent sur l’avenir de la Fédération Wallonie-Bruxelles, niveau de pouvoir surendetté et privé de ressources fiscales propres. Et sur l’incurie d’une classe politique qui, tous partis confondus, a laissé ce sous-financement chronique se prolonger au fil des réformes de l’Etat, à une exception près, en 2001. Alors, oui, la grève de ce lundi pose questions. On attend à présent les copies des représentants politiques.

