Faut-il interdire les réseaux sociaux aux jeunes de moins de quinze ans ? La proposition est débattue actuellement dans plusieurs pays européens. Mais elle est loin de faire l’unanimité. Comment le projet, porté par la ministre Vanessa Matz, peut-il aboutir ? Et qu’en est-il de l’authentification via “It’s me” sur les réseaux sociaux, que l’Engagée promeut pour mettre fin à l’anonymat (une proposition qui fait l’objet de menaces de mort à son encontre) ? Tous ces sujets, ainsi que la rationalisation de l’administration fédérale et la situation au Proche-Orient, ont été abordés par la ministre qui était au micro de Thomas Gadisseux et François Heureux ce matin.
“Si on est juste dans l’incantation, de dire ‘on interdit’ sans l’effectivité de la mesure (c’est-à-dire un contrôle de cette interdiction), ça n’a pas de sens”, souligne d’emblée Vanessa Matz. Actuellement, il y a une interdiction pour à peu près tous les réseaux sociaux jusqu’à 13 ans, “mais elle n’est pas effective”. Pour la ministre de l’Action et de la Modernisation publiques, chargée des Entreprises publiques, de la Fonction publique, de la Gestion immobilière de l’Etat, du Numérique et de la Politique scientifique, il faut du concret. Et interdire formellement les réseaux sociaux aux moins de 15 ans ou 16 ans (à décider). Un objectif qu’elle partage avec son homologue française. Mais tous les pays européens ne sont pas sur la même longueur d’onde. Et certains – notamment à l’est – penchent davantage pour la notion d’une “estimation de l’âge” afin de pouvoir bloquer ou pas les contenus aux jeunes utilisateurs.
Une “estimation” jugée “inacceptable”
Pour notre invitée, cette façon de faire ne convainc pas. Du tout. Ce seraient les plateformes elles-mêmes qui estimeraient, selon les données laissées par l’utilisateur ou l’utilisatrice, quel est son âge. Pas question pour notre invitée de tolérer cela. Car cela signifierait que les jeunes pourraient visionner des contenus inappropriés mais aussi que ces entreprises auraient accès finalement à des données personnelles. “Inacceptable”. La Commission européenne a promis pour fin juillet qu’elle se positionnerait sur la question. Ce sera sous la houlette de la présidence danoise, qui a mis cette thématique à l’agenda. Et pour la ministre belge, on l’aura compris, on penche davantage (et même complètement) pour une “vérification” de l’âge (via des systèmes d’authentification numérique) et pas d’une simple “estimation”.
Enfoncer le clou à l’Europe
La ministre se dit favorable à une politique européenne forte et ambitieuse en la matière. “Ce qu’il ne faudrait pas que l’Histoire retienne, c’est que l’Europe n’a pas été à la hauteur des enjeux”. “Actuellement, les contenus proposés aux jeunes sont totalement inappropriés”, estime notre invitée, qui souligne que la Belgique et la France sont parvenues récemment à faire “plier” TikTok au sujet de “hashtags” qui prônaient la maigreur extrême auprès des jeunes. Elle met aussi en avant la loi belge contre le “Revenge porn” il y a cinq ans (qu’elle avait notamment portée alors qu’elle était députée fédérale). Une législation saluée et “reconnue” sur le plan international, qui parvient à “stopper les contenus qui sont blessants et destructeurs pour les victimes” se réjouit l’Engagée.
Ce qu’il ne faudrait pas que l’Histoire retienne, c’est que l’Europe n’a pas été à la hauteur des enjeux
Pour le moment, il n’y a donc pas d’unanimité des 27 sur une loi fixant l’âge pour l’utilisation des réseaux sociaux. Mais la nouvelle présidence danoise pourrait bien y remédier, espère Vanessa Matz. “Là où il y a une volonté, il y a un chemin.”
Une fin de l’anonymat qui suscite des menaces de mort sur les réseaux sociaux
Des questions sur “l’identification numérique” dont elle invite à discuter entre députés fédéraux. Un parlement qui “devra s’emparer” de ce sujet. Qui ne porte pas seulement sur l’âge, mais aussi sur l’identité. Et sur une fin de l’anonymat sur les réseaux, donc. “Nous avons l’expertise, nous avons des systèmes d’identification – du type ‘It’s me’ – qui permettent un contrôle sans pomper des données”, explique-t-elle. Pour elle, il s’agit bien là de questions cruciales pour une meilleure protection des plus vulnérables, comme les jeunes, mais aussi des femmes.
Vanessa Matz confirme à ce sujet avoir reçu des menaces de mort (anonymes, évidemment) sur les réseaux.
Là où il y a une volonté, il y a un chemin
Moderniser l’administration, vaste entreprise
Notre invitée a aussi fait état de sa volonté de rationaliser et de moderniser l’administration. Elle a fait parvenir dans les cabinets une note de 40 pages à ce sujet.
Il est important que les gens se sentent respectés par leur administration
Il s’agit là de “rationaliser des services doublons”, d’éviter “les redondances”… Tel est son souhait. “On demande aux citoyens de faire des efforts, et l’administration, elle, pourrait continuer à se permettre un certain nombre de multiplicités de fonctions dans différents SPF ? (service public fédéral, ndlr)”. Pas question cependant de diminuer les fonctionnaires, mais bien de rassembler des pôles de compétence et de rendre l’administration “plus lisible” pour les citoyens.
Et l’Aqualienne (habitante d’Aywaille) de plaider pour une alternative non-numérique pour les démarches administratives. “On sait que des gens sont perdus par la digitalisation. Il est important que les gens se sentent respectés par leur administration.”
« Maxime Prévot est celui dont le ton est le plus sévère en Europe »
Thomas Gadisseux et son invitée sont également revenus brièvement sur la situation à Gaza. Les Engagés, par la voix de leur ancien président, Maxime Prévot, aujourd’hui ministre des Affaires étrangère, a “haussé le ton” dernièrement. Il s’est demandé (à titre personnel) ce qu’il faudrait “en plus” pour que ce qui se passe à Gaza soit considéré comme un génocide. “Maxime Prévot est celui (ministre des Affaires étrangères) dont le ton est le plus sévère en Europe,” précise Vanessa Matz. “Mais il est clair que c’est une juridiction qui doit s’expliquer là-dessus,” précise la ministre fédérale.