Le monde politique semble aussi démuni que les enseignants face à une minorité de jeunes qui semblent échapper à tout contrôle.

Cette semaine, en Flandre, un large panel d’enseignants, de directeurs d’école et de conseillers psycho-médicaux sociaux intervenant en milieu scolaire, ont rédigé une lettre ouverte à l’intention de la ministre de tutelle Zuhal Demir (N-VA) pour lui faire part de leur impuissance face aux comportements extrêmes d’une minorité d’élèves. Des comportements, soulignent-ils, dont le nombre leur semble croissant.

Tous les médias flamands ont répercuté ce cri du cœur. Ils ont recueilli des témoignages, parfois anonymes, d’enseignants qui ont décrit certains de ces comportements pour le moins déroutants. Ils ont raconté l’histoire de cet élève atteint de troubles mentaux qui, après une crise de pleurs et des comportements en classe, a été envoyé en urgence psychiatrique, mais a été ramené peu de temps après car il n’y avait pas de place pour lui dans l’unité de soins. Ils ont rapporté le cas de ce jeune de 13 ans qui a disparu des radars parce qu’il devait accompagner chaque jour son père chez son dealer. Ils ont décrit l’attitude de cette élève qui erre à sa guise dans l’école et ne suit que les cours qui l’intéressent. Il en résulte une litanie de comportements violents à l’encontre de professeurs et d’élèves, de punitions sans effets, d’appels aux parents sans réponse.

Des cas de conscience

Les jeunes qui reproduisent ces comportements extrêmes sont souvent en décrochage familial, renvoyés d’école en école, plusieurs fois par an parfois. Le directeur de Zavo, une école de Zaventem (Brabant flamand) comptant 2 100 élèves, explique combien chaque cas est délicat. Et comment il se trouve placé en équilibre instable en permanence. “D’une part, il faut protéger les enseignants, dit-il au Standaard. D’autre part, il s’agit de l’avenir d’un élève, d’un mineur.” Et de raconter le cas de conscience auquel il a été confronté juste avant les vacances de Noël lorsqu’un élève de sixième année secondaire s’en est pris à son professeur. Pour l’équipe pédagogique, ce fut le geste de trop qui ne peut être sanctionné autrement que par un renvoi définitif. “Mais il fallait aussi penser à son avenir. Peut-on renvoyer ce jeune chez lui alors que dans 6 mois, il aurait peut-être obtenu son diplôme ?

Pour les signataires de la lettre ouverte, la gestion de ces comportements extrêmes doit être une priorité pour le monde politique. Car le problème perturbe tout le système, jusqu’à aggraver la pénurie d’enseignants. “Si je regarde les raisons pour lesquelles les gens quittent l’enseignement, dans 90 % des cas, c’est le comportement de l’élève qui en est l’explication“, appuie le directeur de Zavo.

Les enseignants “au centre”

Zuhal Demir, la destinataire du courrier, a reconnu la légitimité de la démarche et la pertinence du propos de leurs auteurs. Mais elle n’a pas paru beaucoup moins démunie qu’eux. Elle a fait valoir que ce problème dépasse le cadre de l’école, que c’est “un problème de société” qui renvoie à “l’écrasante responsabilité des parents“. La ministre flamande de l’Éducation promet que des mesures seront prises en concertation avec son homologue au Bien-être et à la Lutte contre la pauvreté, Caroline Gennez (Vooruit). Quelles mesures ? Cela reste vague. L’objectif, dit-elle, serait de mettre “l’enseignant au centre“. On peut supposer, s’agissant d’une ministre N-VA, qu’il est question de renforcer l’autorité des professeurs et leur pouvoir de coercition sur les élèves. Elle suggère en tout cas de supprimer la possibilité accordée aux élèves d’aller en appel de certaines sanctions. Mais sans avancer de détails.

Même les auteurs de la lettre ouverte sont plus concrets. Ils prient les pouvoirs publics de renforcer la prévention, de façon à pouvoir intervenir plus rapidement quand un jeune donne des signes de décrochage. Ils réclament également davantage de places dans les structures d’accueil spécialisées. La directrice d’une école à Beringen (province du Limbourg) raconte à Het Laatste Nieuwsqu’une élève de son établissement qui nourrit de sérieuses pensées suicidaires est comme embourbée sur la liste d’attente d’une unité de soins psychiatriques depuis le mois de mars. La jeune fille est heureusement suivie de près par deux professeurs qui gardent en permanence leur téléphone portable allumé pour être sûr de ne pas rater un appel au secours urgent de l’élève. “Mais est-ce bien normal qu’ils doivent faire cela ?“, s’interroge la directrice.

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