Alors que les syndicats sont très méfiants par rapport à la feuille de route du gouvernement pour l’école, la ministre Glatigny veut rassurer. Elle appelle au dialogue et annonce son intention de créer un panel d’enseignants susceptibles de faire remonter en direct les difficultés du terrain.
Contrats à durée indéterminée plutôt qu’une nomination, modulation de la charge de travail, fusion des réseaux officiels… Certaines mesures de la déclaration de politique communautaire (DPC) crispent déjà les enseignants et plus particulièrement leurs syndicats. Quel est l’état d’esprit de la ministre Valérie Glatigny (MR) en ce jour de rentrée ? Le dialogue sera son mantra. Avec les syndicats, bien sûr, mais aussi, de manière très organisée, directement avec le terrain.
A la lecture de la DPC, les syndicats parlent de déclaration de guerre, ils se disent prêts à sortir le bazooka. Vous avez des craintes pour le climat social ?
Je n’ai jamais été et je ne serai jamais, une va-t-en-guerre. J’ai le plus grand respect pour les représentants des travailleurs. Ils le savent, sous mon précédent mandat (Valérie Glatigny fut durant quatre ans ministre de l’Enseignement supérieur, NDLR), nous avons très bien travaillé ensemble. Nous nous mettrons autour de la table pour discuter. Des désaccords, il y en aura sans doute, mais je veux à tout prix éviter les malentendus. C’est ce que je fais en cette période de rentrée : j’explique nos intentions. J’espère vraiment que les partenaires vont regarder la DPC comme un tout : le statut n’est qu’un élément dans un ensemble dont l’objectif est la revalorisation de la fonction d’enseignant, le renforcement de l’attractivité du métier.
Sous la précédente législature il y avait, hebdomadairement, une réunion du comité de concertation du Pacte. Est-ce que cela va se poursuivre sous cette forme-là ?
Nous avons rencontré les acteurs de l’école le 18 juillet et nous avons convenu de poursuivre cette formule, une première réunion est prévue très vite en septembre. Par ailleurs, je prolongerai l’habitude des concertations régulières avec les syndicats. Mais il est vrai aussi, et ça c’est important pour moi, que je ne vais pas voir uniquement les syndicats, les fédérations de pouvoirs organisateurs ou les fédérations d’associations de parents. Je vais aussi essayer de garder le contact initié avec la base durant la campagne électorale. Il faut absolument respecter le rôle de corps intermédiaire que sont les syndicats – et je le ferai en les rencontrant toutes les six semaines, en les écoutant et en travaillant main dans la main avec eux, en tout cas, c’est ma volonté – mais je ne vais pas me couper d’autres rencontres.
Il y a 120.000 enseignants en Belgique francophone, comment dialoguer avec une telle masse ?
Je vais mettre en place un panel représentatif du terrain. Je vais m’inspirer de ce que j’avais fait pour la promotion sociale sous mon ancien mandat. Après appel sur les réseaux sociaux puis tirage au sort, on invitait régulièrement une centaine d’enseignants à un petit déjeuner-rencontre. Nous discutions des problèmes les plus aigus autour de quelques croissants. Ça crée de la confiance entre les gens, ça permet de sentir en direct ce qui se joue dans les classes, ça donne aussi l’occasion de régler énormément de petites choses pratiques. Un des soucis d’un ministre de l’Education, c’est qu’il ne peut pas seulement rencontrer les représentants officiels, il doit aussi être à l’écoute de l’ensemble des enseignants. Il y a des problématiques spécifiques liées aux puéricultrices, aux professeurs de langues, aux personnels administratifs, aux directions d’école… Ces dernières, par exemple, sont très en demande d’autonomie, de confiance et de simplification administrative. Il est normal qu’il soit difficile de faire remonter toutes les difficultés du terrain mais je me lance le défi d’essayer de ne pas perdre le contact.
Concrètement, ça va marcher comment ?
Nous sommes toujours en réflexion sur le fonctionnement précis. Mais l’idée est de réunir un panel de 80 à 100 professionnels de l’éducation désireux de partager leur vécu. L’échantillon devra être représentatif des différents réseaux, filières d’enseignement, métiers, régions… Je veux des représentants des écoles de ville et de campagne… Je ne voudrais pas, par exemple, n’avoir que des Bruxellois et personne de la province de Luxembourg. Il y a en effet des réalités spécifiques en fonction des territoires. Et il y aura une rotation des personnes consultées.
Consulter un groupe de 80 à 100 personnes, c’est gérable ?
Vous savez, durant le covid, nous faisions des réunions complètement dingues avec une centaine de personnes en visioconférence, et nous parvenions à sortir des conclusions opérationnelles. Nous avons développé un savoir-faire. Et nous travaillerons avec des services universitaires aptes à élaborer une méthode de sélection et d’animation d’un panel de cette taille, afin d’instaurer un véritable dialogue sur le fond et sur la forme autour de thèmes communiqués à l’avance.
Les syndicats ne risquent-ils pas d’y voir une manière de les bypasser ?
Non, parce que je les verrai dans le cadre du comité de concertation du Pacte d’excellence, de plus je les verrai seuls toutes les six semaines, sans compter les concertations officielles sur les projets de décret. J’ai le plus grand respect pour les syndicats et les corps intermédiaires, c’est une certitude. Mais, je le répète, je voudrais aussi avoir un accès direct aux enseignants et aux autres métiers de l’école parce que je constate que les syndicats se focalisent aujourd’hui sur une ou deux mesures de la DPC et ne voient pas le « reste » alors que précisément le « reste » correspond aux demandes du terrain remontées durant la campagne électorale. La DPC ce n’est vraiment pas deux personnes qui se mettent sur un coin de table pour écrire un document, c’est le résultat de nombreux contacts et consultations. On nous dit que, parce que nous sommes politiques, nous n’avons aucune idée du terrain… Ma démarche apporte une réponse à ce reproche. L’idée est aussi d’expliquer les projets, de faire en quelque sorte de la pédagogie mais, encore une fois, le projet consiste d’abord et avant tout à comprendre ce qui se passe dans les écoles. Les professeurs nous disent souvent : « Ma réalité c’est telle ou telle chose, comprenez-moi, Madame la ministre. » Ils veulent qu’on les écoute ? Nous allons les écouter.